Lorsque Made in Love arrive dans les bacs en cette année 1998, ZAZIE sait qu'elle est attendue au tournant, le succès de Zen trois ans plus tôt l'ayant propulsée dans la cour des grands de la chanson française (variété ? pop-rock ? un peu des deux en fait) et des artistes les plus prometteurs de cette scène à l'orée du nouveau millénaire. Autant dire que pour calmer aussi bien les fans que les interrogations les plus vives (les deux allant souvent de pair), une confirmation était attendue, et il faut bien reconnaître qu'avec Made in Love, la talentueuse artiste tiendra toutes ses promesses.

La pochette de Made in Love, qu'il faut faire pivoter d'un cran dans le sens des aiguilles d'une montre pour voir ZAZIE non pas faire des pompes mais appuyée contre un mur bien droit, nous offre une vision de la jeune femme dans, outre des habits d'un autre sex-appeal que celui de la robe courte de Zen, un environnement bleu qui n'est pas sans évoquer le cyber espace, le fonctionnement du monde de plus en plus réglé par Internet en cette fin de siècle, ainsi que plus généralement par toutes ces "machines" décrites dans la chanson portant le nom... "Cyber". Excellente chanson d'ailleurs, tout à fait représentative de l'orientation prise par ZAZIE musicalement, de plus en plus électronique.

Il y avait bien depuis le premier album des beats électroniques et autres programmations, mais pas autant que ce que l'on peut trouver sur Made in Love. ZAZIE va même jusqu'à nous livrer un tube irrémédiablement techno, sous la forme de "Tout le Monde", avec un rythme à la fois textuel et musical qui frappe très fort : comprenant tout de même pas mal de percussions comme sur le premier album et Zen, cette chanson énumère tout un tas de prénoms venus de divers endroits du globe et sous ce couvert humaniste, se révèle être un véritable brûlot anti-Front National, d'où le "Quitte à faire de la peine à Jean-Marie". Simpliste au premier abord, mais terriblement efficace. Le fredonnement de ZAZIE à certains moments n'est pas sans rappeler celui d'une autre grande dame, Kate BUSH sur un titre comme "The Big Sky" qui aurait sans doute sonné comme "Tout le Monde" s'il était sorti à la même époque. A noter qu'il existe un remix de ce dernier titre, en mode "Replicant", et qui sonne beaucoup plus orchestral, très réussi également.

Le reste, sans être aussi "boumboumisant", évolue dans le même son et contribue la plupart du temps à faire l'intérêt de ce disque. On notera juste une partie moins "accrocheuse", plus complexe à saisir aux alentours du duo "Stop" / "Sous le Voile" (autre brûlot, en pensant au Maghreb ou au Moyen-Orient, vous n'aurez pas à chercher trop pour savoir en faveur de qui), même si elles restent de très bonnes chansons. Le plus intéressant reste du côté de "Tous des Anges" qui, bien que puissant, commence carrément au ralenti (pendant huit secondes, c'est le vide intersidéral, la chanson arrive progressivement ensuite), l'excellent "Ca Fait Mal et Ca Fait Rien" donc le clip sera censuré, ainsi que la chanson-titre, hymne dédié à la femme, aux femmes plutôt, beaucoup trop souvent prises pour des "objets". Notons que malgré le côté électronique toujours assez prononcé, il y a une forte présence de la guitare acoustique sur ces chansons, ce qui n'est peut-être pas un gros détail en soi, mais cela renforce le côté mélodique, et quelque part apporte un peu de "réconfort humain" (outre la belle voix de ZAZIE) dans cette avalanche de bidouillages.

Par contre, et là c'est plus que fort, ces critères sont caractéristiques du registre de chanson dans lequel ZAZIE s'en sort le mieux (un peu comme RENAUD d'ailleurs), c'est-à-dire les plus tendres, les ballades amoureuses, toutes presque aussi magnifiques les unes que les autres. "Autant de Peine Que de Toi" bien évidemment, "Femmes Téfales" avec son petit crépitement qui évoque bien l'huile sur le feu, toutes deux remarquables sur le plan vocal, ZAZIE nous offrant à nouveau ses petites envolées qui faisaient notre bonheur sur les "Homme Sweet Homme" et "La La La". Mais la palme revient sans conteste à THE chanson, LA chanson que tout le monde attendait plus que toute autre (si c'était possible étant donné le niveau des deux précédemment décrites) : "Chanson d'Ami", à nouveau cet amour... ou plutôt ici cette "amitié" non satisfaite traitée de manière aussi délicate que déchirante. Avec son arrangement de cordes, la musique est le seul apport extérieur de cet album (en parlant de l'écriture, ZAZIE ayant signé toutes les paroles et musiques) car composée par Phil BARON, qui avait déjà collaboré avec la chanteuse pour le "J'Envoie Valser" de Zen. Et "Chanson d'Ami" n'a aucunement à rougir devant cette dernière sur le plan qualité.

En bref, Made in Love, plus que Zen, bien qu'un cran en-dessous, asseoit définitivement la réputation de ZAZIE comme une artiste majeure. Pratiquement toutes les chansons sont de vraies petites perles, et malgré une production discographique (studio du moins) aussi peu fertile qu'étalée, c'est encore loin d'être fini.