Entre amateurs de ZAZIE, il y a une remarque intéressante qui circule parfois, comme quoi l'artiste ne réussit vraiment qu'un album sur deux depuis le début de sa carrière, et que ce schéma est développé surtout en faveur des nombres pairs : Zen, La Zizanie, Totem et Cyclo. Les albums impairs, Je Tu Ils, Made in Love etc, sont bancals, voire peu intéressants.

Encore Heureux est un album impair qui dément quelque peu cette règle, tout comme, à l'inverse, La Zizanie n'était pas aussi brillant que Zen. ZAZIE l'enregistre dans des endroits bien différents, entre Paris et Saint-Rémy-de-Provence, en Islande et à Santorin. On a l'impression que toutes ces couleurs réunies participent aux points positifs du disque, au moins en termes de réalisation.

D'ailleurs, il y a du changement dans l'équipe : Mathieu Rabaté, absent, laisse sa place à Philippe Entressangle, et Edith Fambuena fait son apparition aux guitares. Ex-membre des VALENTINS, elle est une musicienne issue de l'époque pop dandy il y a trente ans, pour avoir beaucoup accompagné DAHO, JACNO... ZAZIE elle-même joue davantage des claviers sur ce disque.

Une oeuvre dont le début nous fait craindre la suite, pourtant. "Encore Heureux" passe encore, avec sa nappe d'orgue funeste et sa structure qui fonctionne bien, mais le ton sur l'amour qui perdure malgré tout est bien peu engageant, ainsi traité et placé en introduction.

Cela se gâte ensuite, avec "I Love You All", sample électro, récitation de paroles et refrain nonchalant dans une tonalité nouvelle hippie, "l'autre n'est pas notre ennemi", musique branchée... Cela part d'une bonne intention, mais le résultat est un n'importe-quoi dérangeant qui n'a pas du tout été choisi pour single.

Alors que le premier extrait, "Discold", nous révèle une ZAZIE au meilleur de sa forme dans cette pop-électro sur laquelle elle a toujours évolué comme une funambule. Musique sympathique, chant lancinant et halluciné, et cette sensation que la chanteuse vieillit à peine : "Les filles ont dans le coeur une boule à facettes, un p'tit moteur que rien n'arrête". Bien trouvé !

Avec "Petroleum", elle retombe dans ses travers engagés - on parle de la forme du texte bien sûr -. La musique répétitive n'apporte aucune qualité à ce titre où la Terre s'exprime par le chant de ZAZIE sur un mode très premier degré.

Au contraire, les jeux de mots fleurissent et c'est de bon aloi, comme "Pise" et son "Je garderai ce penchant pour toi", sur fond de musique aérienne, sympa. "Perchée" propose une formule sonore assez soft et nostalgique, dans la lignée de l'album Zen, avec même quelques belles échappées dans les aigües niveau chant, cela nous manquait !

En dehors de Philippe Paradis, le changement d'équipe apporte un souffle salvateur à l'univers de ZAZIE, de l'ancien comme de la nouveauté. "Tais-Toi" s'inscrit dans une ambiance jazzy originale pour la chanteuse. Encore un beau texte sensuel et rassurant ("Je ne vais plus chercher, puisque je t'ai toi, tais-toi..."), et l'arrangement y est excellent.

De même, "Adieu Tristesse" et son rythme gitan aux guitares électriques, ses cordes caressantes et son très beau refrain. Puisqu'on parlait de Zen, "Oui-Filles", pour habiller son texte habile, est développée en variation gaélique sur le final, le genre qu'on n'a pas entendu depuis le merveilleux "Au Diable Nos Adieux" en 1995. Michael McGoldrick (sonneur du groupe écossais CAPERCAILLIE) et le fiddler John McCusker y sont tout naturellement conviés.

Les points forts de ce disque ne suffisent pas à le rendre excellent de bout en bout, certains titres viennent le plomber. Cependant, ce neuvième ZAZIE vaut le détour, encore heureux !