En 1993, MASSILIA SOUND SYSTEM continue son ascension vers des cieux toujours plus rayonnants, d'un bleu toujours plus vif. Bleu comme la Méditerranée, bleu comme le blason de Marseille, bleu comme le maillot de l'Olympique de Marseille, club dont les membres du groupe sont de fervents supporters. Les années 1990 sont belles et bien entamées et le groupe s'est imposé sur la scène alternative comme un acteur majeur du reggae français. Le fait que le groupe chante à la fois en français et en occitan provençal a fait de lui un groupe bourré d'originalité, suscitant la curiosité des médias autant que du public. La réputation du groupe dans sa ville d'origine n'est en revanche plus à prouver et le groupe s'attaque donc en cette année 1993 à l'exercice difficile du deuxième album, après un premier opus prometteur (Parla Patois), paru deux ans plus tôt.

Chourmo présente certes beaucoup de points communs avec son prédécesseur, notamment au niveau des textes, mais l'évolution est d'ores et déjà présente : les arrangements instrumentaux du DJ du groupe, le minot Gòatari, sont beaucoup plus intéressants. Plus évolués, plus riches en rythmes variés, plus riches en samples rigolos et en bruitages divers. L'ambiance est réellement posée, et cette fois l'aridité musicale n'est plus à l'ordre du jour. La synthèse musicale dont MASSILIA est dépositaire, à savoir ce mélange unique entre le son de la Jamaïque enfumée et celui de la Provence occitane ensoleillée, développe tous ses aromates sur ce Chourmo riche et coloré.

Les titres s'enchaînent et se ressemblent très peu. Si le chant des deux MCs, Papet Jali et Moussu T, ne change pas radicalement et que nombre de textes traitent encore des mêmes sujets (la vie marseillaise, la musique reggae : "Vetz T.", "Tafanari", "Bus de Nuit"), en revanche, des textes beaucoup plus intéressants font leur apparition çà et là. Des chansons telles que "A la comedia provençala", "Trobador", "Tribute to Peire Vidal" abordent avec élégance l'univers occitan (pour ne pas dire occitanniste) du groupe. Ces textes profitent énormément de l'évolution des samples évoquée plus haut, et le mélange des deux contribue à créer une réelle atmosphère, rarement vue sur un album de ragga. Ce qui confirme encore le statut novateur de MASSILIA sur la scène reggae.

Enfin, impossible de parler de Chourmo sans parler de LA chanson de l'album : "Qu'elle est bleue", chanson-hymne consacrée à la Méditerranée et qui fit un tabac sur les radios nationales durant l'année 1993. Cette chanson, qui n'est pas la plus intéressante de l'album du point de vue musical, a quand même le mérite de donner sacrément envie de bouger et de partir en vacances sur la Côte d'Azur. Le groupe a toutefois cherché par la suite à s'éloigner de l'image de groupe de Club Med que cette chanson lui a collé pendant quelques années.

Chourmo est le premier album du groupe phocéen sur lequel transparaît une vraie richesse musicale, un vrai travail sur les ambiances. Le côté démo du premier album est cette fois totalement absent et l'atmosphère du groupe est ici superbement posée. Le groupe transformera magistralement cet essai sur son album suivant, Commando Fada, paru en 1995.

Au moment de finir cette chronique, ayons une pensée pour Lux Botté, membre de MASSILIA SOUND SYSTEM décédé tragiquement en juillet 2008 des suites d'un cancer. Membre de l'entourage du groupe lors de l'enregistrement de Chourmo en 1993, cité sur la pochette, il intégrera le groupe durant ces années-là. La chanson finale de l'album, "Chourmo !", est sa première apparition sonore sur un album du groupe.