Commando Fada est l'album qui clôt la 'trilogie bleue' des débuts de MASSILIA SOUND SYSTEM. Après un Parla Patois démonstratif et prometteur en 1991, après un Chourmo ambiancé et festif en 1993, MASSILIA revient en 1995 et frappe plutôt fort. Nous voici en face de l'album le plus rentre-dedans du combo marseillais, qui poursuit sa mutation.

De tube 'commercial' comme a pu l'être la chanson "Qu'elle est bleue" sur l'album précédent, il n'y en a point vraiment ici. Les chansons sont agressives, les thèmes beaucoup plus incisifs et le groupe n'a plus vraiment envie de rigoler, même si certaines chansons légères telles que "Marseillais" ou encore le duel de tchatche "Vulgus versus Prostus" (signé par les futurs OAI STAR Lux B et Gari Greu) en donnent encore l'impression.
L'album commence très fort avec la chanson-titre "Commando Fada", morceau certes festif, mais duquel émane une vraie agressivité. Le groupe multiplie les titres engagés, tels "Des Métallos", "On danse le Parpanhàs", "Mise en examen", "Refusez la pression". La cause pro-occitaniste est toujours présente et cette fois beaucoup mise en avant, notamment au travers d'un titre tel que "Occitan : Leiçon N°1", chanson certes amusante mais à but pédagogique, mais aussi grâce à des compositions intégralement écrites dans la langue des troubadours, telles que la très punk "M'en foti", l'engagée "Jompa Vò !" ou bien encore la poétique "Solelhadis".
Quelques titres sont un peu plus anecdotiques, comme l'assez plat "Lo Reggae es mon companh", hymne en occitan au reggae, mais dont le discours tourne quelque peu en rond. Si le groupe marseillais a parfois tendance à s'égarer en évoquant sans cesse les bienfaits du reggae dans nombre de chansons de son répertoire, en revanche des titres tels que "Quand le sound est bon" et "Remue", qui traitent également du même sujet, donnent furieusement envie de danser.

Les arrangements qui mettent en avant les basses accentuent le caractère dansant des chansons, toujours signées par Gòatari. Les samples provençaux sont toujours présents et continuent leur rôle d'aromate original, véritable recette secrète du groupe. Entre chaque chanson, se glissent également de nombreux samples téléphoniques dans lesquels interviennent les "chourmos" et les "chourmetas", les membres du fan club du groupe. Ces intermèdes humoristiques, qui peuvent décontenancer de prime abord et rendent l'écoute de certains morceaux fastidieuse, sont en réalité liés au concept même de l'album, qui est de démontrer que le MASSILIA n'est pas seulement un groupe, mais également une communauté, le fameux "Massilia Chourmo" (Chourmo signifie 'peuple', en provençal). Le groupe cherche donc à démontrer une nouvelle fois, si besoin est, qu'il est le porte-parole d'une communauté bien réelle au travers de sa musique ragga/dub, imitant en cela ses modèles jamaïcains et britanniques.

Le groupe ne refera jamais un disque aussi méchant que Commando Fada aux textes agressifs et incisifs. Il constitue donc un jalon important dans la disco du groupe marseillais. L'album studio suivant, Aïollywood, verra le groupe initier une phase d'expérimentations certes intéressantes, mais relativement hasardeuses. La formation du groupe changera également, avec l'entrée de Lux B et de Gari Greu en temps que et MCs à plein temps et membres officiels du groupe.

Commando Fada, un album certes toujours festif et dansant, mais bien plus profond qu'il n'y paraît.

Note réelle : 4,5/5