Occitanista est l'album qui voit MASSILIA entrer de plain-pied dans les années 2000. Le précédent 3968 CR 13, sorti en 2000, se posait comme une entrée en matière déjà très convaincante et innovante, mais il fallait que le groupe confirme cette évolution sur la durée.
Seulement deux ans après son superbe album à la 2CV, MASSILIA nous revient avec ce qui n'est rien de moins que son meilleur opus à ce jour. Un disque à la pochette éminemment festive, très ensoleillée, au contenu gorgé de Provence et de sonorités métissées. Il convient toutefois de le replacer brièvement dans son contexte.

Le début des années 2000 coïncide en effet avec la convergence de diverses luttes sociales, altermondialistes et antilibérales, dont un certain nombre s'affirmeront lors du premier Forum Social Mondial de Porto Alegre en 2001. Occitanista se fait l'écho de ces préoccupations socio-économiques. Ainsi, bon nombre de chansons de l'album tournent autour de ce thème, que ce soit au travers de lyrics ou bien de divers samples audio. Evidemment, le quotidien des Marseillais, lié de façon directe ou indirecte à ces questions, demeure très présent, abordé tantôt de façon joyeuse et festive ("Street Dinner"), tantôt de manière douce-amère ("Quand ma petite est dans la place", "M.C.'s"). Les moments de tendresse sont heureusement présents, comme en témoigne "Ne me dis pas non", désopilante comptine sexy chantée par Moussu T : "Ici sous la couette, une bête à deux têtes, c'est le paradis."

Bien qu'ayant pour titre Occitanista, cet album de 2002 ne se limite clairement pas au simple espace occitan et cherche à ouvrir de nombreuses portes musicales vers le reste du monde, servant d'écho aux préoccupations altermondialistes du combo : "Incasinati", avec ses lyrics chantés par Papet J en italien, étonnera plus d'une fois l'auditeur, de même que "Lo Tamborn dei Pòples" avec ses invités chantant en portugais ou en langue africaine. "Dins Mon Canto", mélangeant allègrement sonorités africaines et provençales, nous révèle une palette musicale d'une infinie richesse. L'émotion est omniprésente, et le mélange des cultures, présent en Occitanie depuis l'Antiquité, se révèle ici dans toute sa beauté millénaire.
Les sonorités occitanes sont évidemment à l'honneur sur un certain nombre de titres : "Joglar", entièrement chantée en occitan, est assurément l'un des meilleurs moments de l'opus, alors que "Masurca Planètaria" voit intervenir à nouveau les collègues de LA TALVERA, comme sur l'album précédent.

MASSILIA SOUND SYSTEM se fait éminemment punchy sur Occitanista, jonglant allègrement entre le français et l'occitan, et n'hésitant pas à expérimenter musicalement tout ce qui lui passe par la tête. Les titres se révèlent ainsi très éclectiques, sans perdre de vue le reggae/ragga des origines, mais en le confrontant à une multitude d'influences venues de tous horizons.
Des aspects rock et clairement électriques, entraperçus sur le précédent album, se font plus que jamais ressentir sur certains titres ("Lo Tamborn Dei Pòples", "I A Tant De Causas Sus Terra", "Monter l'Aioli", "Lâcher Prise"), mélangés à une bonne dose d'électro. MASSILIA y gagne considérablement en puissance, magnifiant son propos textuel par des instrumentations très soignées.
À l'écoute de l'ensemble de l'album, on se dit qu'il semble décidément bien loin le temps où MASSILIA se contentait d'un son ragga/dub minimaliste, fait de quelques versions remixées et d'une simple boîte à rythmes. "Passa Mon Blòco", morceau expérimental mélangeant guitare bruitiste, chanson occitane et samples enregistrés lors d'une fête locale ("de la musique moderne, de la musique del pais !"), amusera par ses aspects bordéliques savamment contrôlés.
Alors que l'intérêt des premiers albums du groupe était davantage porté sur la performance vocale des MC's que sur la musique qui les accompagnait, Occitanista confirme que les instrumentations peuvent enfin compter comme l'un des points forts du groupe. Il est par ailleurs à noter qu'aucun des albums ultérieurs n'arrivera à égaler les trouvailles sonores présentes sur Occitanista.

L'album est d'une richesse infinie. Année après année, on ne cesse d'y découvrir plein de choses différentes, avec un intérêt sens cesse renouvelé. Véritable kaléidoscope multiculturel, Occitanista est par ailleurs un splendide doigt d'honneur adressé par les membres du MASSILIA SOUND SYSTEM aux défenseurs d'un centralisme monolithique et d'une identité nationale française figée. Si de nombreux artistes occitans se sont fait l'écho de cette contestation depuis les années 1960, MASSILIA réactualise brillamment sa cause en la plongeant de plein pied dans la réalité des années 2000.

Incontestablement le meilleur album de la riche discographie des Phocéens. À écouter en boucle en savourant un pastaga bien frappé ! À la façon de Marseille.