Connaissez vous l'histoire de l'Inde ?

On distingue généralement plusieurs périodes dans l'histoire pluri-millénaire de l'Inde. Si les périodes proto-historiques de Mohenjo-Daro et de Harappa nous sont très peu connues, en revanche la légende dorée de l'empire des Gupta et les conflits pour la domination du Deccan entre Moghols et Rajpoutes sont des choses que les historiens maîtrisent mieux. De même, car proche de nous, la période du Raj Britannique et le combat non-violent pour l'indépendance du Mahatmah Gandhi sont très bien documentés. Mais pourtant, dans l'histoire très récente du sous-continent, il y a un fait historique que les historiens ignorent : la visite joyeuse et colorée d'une ambassade occitane toute de bleu vêtue. Cette ambassade pleine de bonne humeur et d'accent savoureux, c'est celle du quatrième album studio de MASSILIA SOUND SYSTEM.

Alors qu'on aurait pu s'attendre à une pâle copie de Commando Fada, ce qui aurait fortement nui à sa carrière, MASSILIA prend tout le monde de court et sort un album résolument différent. Dans mon paragraphe d'introduction, je n'ai pas évoqué l'Inde sans raison : la quasi-totalité des samples de cet album sont en effet des samples de musique indienne. Le titre même de l'album, Aïollywood, est un hommage au cinéma indien dit de 'Bollywood', le Hollywood de Bombay. Se mêlent allègrement ici aux basses et aux samples provençaux encore perceptibles des samples de tabla et autre sitar. En ressort une ambiance franchement pimentée au curry et très chaleureuse, qui fait ressortir un fait musicologique connu : la musique d'Europe du Sud doit en effet beaucoup à la musique orientale, venue d'Inde durant l'Antiquité, et qui a transité par l'Arabie, l'Empire Byzantin et l'Afrique du Nord, avant de parvenir en Espagne puis en Gaule via les invasions musulmanes du VIIe siècle. Et en cela, c'est un bel hommage que rend MASSILIA SOUND SYTEM à cet héritage historique.

Les textes se veulent toujours engagés ("Pas d'arrangement", "Brûle ces papiers", "Ma ville est malade"), mais le propos de l'album beaucoup plus léger et cela se sent. De nombreuses chansons évoquent des sujets assez simples, tels que les loisirs et la fête ("Les vacances", "2 B Frit Confit"), encore et toujours le reggae en lui-même ("Ma maison", "Crònic"), et même des sujets humoristiques tels que "Chourmo F.C." qui évoque l'histoire d'un club de foot totalement improbable, "La Dansa Dau Corsari" (qui voit le groupe se transformer en un joyeux équipage de pirates occitans furibards) et bien sûr le titre final "Aïollywood" dans lequel le groupe fait le détail de tous les films que pourrait tourner un studio de cinéma made in MASSILIA.
Lux B et Gari Greu sont désormais des MC's à part entière dans le groupe et ont beaucoup plus de parties vocales, même si Papet Jali et Moussu T ont toujours le premier rôle sur la plupart des chansons. Les samples téléphoniques sont toujours présents et continuent de rendre à merveille l'atmosphère communautaire qui ressort de l'univers du groupe.

Tandis qu'un sinistre mouvement d'extrême droite français que je ne nommerai pas effectue des scores inquiétants en Provence durant la fin des années 1990, on aurait pu attendre de ce contexte politique particulier (scandales politiques, montée du populisme) que le groupe livre un album ultra-engagé, une sorte de Commando Fada encore plus agressif. Mais non, MASSILIA n'est jamais là où on l'attend et préfère livrer un album multi-culturel, festif et coloré tout en étant quand même engagé par certains moments.

Aïollywood, quatrième album de la tribu ragga marseillaise, reste assez à part dans la discographie du groupe. À part car expérimental, à part car transitoire. La suite confirmera que le groupe sait continuer à aller de l'avant.