Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'entre Occitanista (2002) et Oai E Libertat (2007), il s'en sont passées des choses du côté de Marseille ! Après un copieux album live sorti en 2004 (l'excellent "Massilia Fait Tourner"), les membres de MASSILIA SOUND SYSTEM laissent en effet la place à des projets parallèles afin de pouvoir exprimer pleinement des envies musicales qui n'auraient pas forcément pu trouver leur place sur des albums du collectif au grand complet. Moussu T fonde ainsi avec le guitariste Blu le groupe "MOUSSU T & Lei JOVENTS", qui distillera un blues éminemment rétro, inspiré par les opérettes provençales des années 1930. Gari Greu et Lux B, pour leur part, réactiveront sérieusement leur projet rock OAI STAR (déjà responsable d'un premier album en 2001), laissant place à un son très punk fortement influencé par le rock alternatif français des années 1980-1990. Papet Jali, enfin, sortira en 2006 un premier album solo orienté drum'n'bass, "Papet-J.com".

Quelques albums plus tard, le collectif phocéen se réunit de nouveau au grand complet et accouche de l'album Oai E Libertat. L'une des choses les plus évidentes à l'écoute de cet album, c'est que le son MASSILIA semble avoir beaucoup changé depuis 2002. Les sonorités rock très prononcées du titre d'ouverture "Massilia Fai Avans" résonnent évidemment comme un écho aux deux albums du OAI STAR sorti peu de temps auparavant. Même constat sur "Òai e Libertat", chanson-titre, qui envoie la sauce avec un beat lourd, où Blu se fend d'un véritable solo de guitare électrique et où le groupe balance de puissants lyrics fédérateurs. Massilia Sound System ne relâche jamais la pression, et toute la première partie de l'opus demeure très dynamique : "De Longue", superbe moment de ragga rock, donne ainsi furieusement envie de danser.
"Rendez Vous à Marseille" et "Au Marché du Soleil", véritables hymnes reggae conçus pour venir faire du tourisme à Marseille, se posent en savoureux moments de relaxation made in Marseille. Même constat sur "Dimanche Aux Goudes", où MASSILIA SOUND SYSTEM continue à exalter le mode de vie provençal avec ferveur et délice...

Si beaucoup de morceaux semblent festifs et ensoleillés, il ne faut pas oublier que MASSILIA sait depuis toujours se faire aigre doux quand il s'agit de dénoncer les injustices et la violence du quotidien. "Toujours", superbe moment de reggae aérien, prends une tournure éminemment politique lorsque la voix de Papet Jali empoigne le micro pour vilipender la détresse sociale, tout en apportant une note d'espoir salutaire... "Toujours et toujours, du moment que nos cœurs il y a de l'amour..." Un vrai moment de recueillement. Papet J est ici à son meilleur niveau. Le propos politique de MASSILIA se fait toujours aussi sévère et amer sur des titres tels que "À L'Agonie" ou "Lo Grand Tramblament"...
Les sonorités occitanes s'imposent en force sur "Lo Micro es romput", et servent d'intro à un titre là aussi très engagé. "Ton Balanlé", reggae chaloupé et bien plus posé, constitue un peu la "bizarrerie" de l'album : on ne sait effectivement pas trop quoi penser de ce morceau un peu mou par rapport au reste, qui n'aurait finalement pas démérité sur un album solo de Moussu T.
Le titre final, "Laissa Nos Passar", mélangeant allègrement sonorités occitanes, rock, electro et world music, est un peu dans la veine des titres expérimentaux d'Occitanista, mais ne se révèle pas extrêmement convaincant.

Les accents très festifs de cet album de 2007 le placent en digne successeur de 3968 CR 13, l'album de l'an 2000. Alors qu'Occitanista se présentait pour sa part comme une véritable ouverture sur le reste du monde, fortement influencée par l'altermondialisme et les luttes socio-économiques mondiales, Òai E Libertat semble recentrer son propos sur le quotidien de la cité phocéenne.
Véritable synthèse de tout le travail accompli par les membres du MASSILIA SOUND SYSTEM depuis la sortie d'Occitanista, Oai E Libertat est assurément l'un des albums les plus matures du groupe. Il n'en est toutefois clairement pas l'un des plus aboutis. On pourrait ainsi lui reprocher une certaine facilité, puisque l'opus ne dure que 12 titres, et que les expérimentations en tous genres d'Occitanista ont ici disparu pour laisser place à un mélange reggae/rock/electro bien plus léché et bien plus uniforme. Les titres sont certes tous d'excellente facture et l'album demeure évidemment une franche réussite, mais on pourrait reprocher un léger manque de prise de risque. Mais pas de quoi se plaindre au final. Oai E Libertat dépote à chaque instant, nous révèlant un MASSILIA gonflé à bloc et remonté comme jamais.

Hélàs, la fête sera de courte durée : Lux B, déjà très en retrait sur cet album (on ne l'entend sur Oai E Libertat qu'au travers de quelques samples épars), s'éteindra des suites d'un cancer en juillet 2008.
Le groupe partira quand même en tournée sans lui pour défendre l'album et lui rendre un dernier hommage. Lux B ayant été pendant des années l'un des éléments les plus importants de l'identité du groupe, il faudra un certain temps à MASSILIA avant de réussir à faire son deuil.
Gari Greu y parviendra le premier en refondant OAI STAR avec le musicien suédois Dubmood, donnant lieu à l'excellent album Manifesta en 2009. Les autres membres du groupe retourneront également s'adonner chacun de leur côté à leurs projets parallèles, multipliant les publications entre 2007 et 2014...

MASSILIA FAI AVANS !