Annoncé à grand renfort de singles percutants, c'est au hasard d'un dessin animé dans le style des Simpson que j'ai découvert pour la première fois "Paranoïd Android". Je pense n'avoir connu de telles baffes musicales qu'une dizaine de fois dans ma vie. Pas besoin d'une seconde écoute, tout était là, j'avais été happé par mon petit écran, devant ce petit bonhomme qui voyageait dans les nuages. L'opération se répéta dans une moindre mesure à la découverte du single "Karma Police", deux titres dans la suite logique de The Bends. Un condensé d'intro fine et délicate, de couplet lancinant, de refrain accrocheur, de chant mélancolique, le tout dans une énergie poignante, nous laissant au final hébétés que nous sommes et que nous resterons.

Pourtant, les premières écoutes de l'album m'ont quelque peu laissé sur ma faim. A vrai dire, je ne connaissais pas (encore) The Bends et c'était le type d'album que j'espérais découvrir. Or les deux singles radio ne sont pas vraiment les titres les plus représentatifs de OK Computer. Des expérimentations comme "Fitter Happier et "MORE PRODUCTIVE" (brrrr...) ont en effet de quoi dérouter n'importe quel fan, même le plus ouvert d'esprit. En réalité, c'est au fur et à mesure des écoutes que je me suis fait au côté plus 'underground' que RADIOHEAD semblait vouloir adopter, à l'opposé du côté mainstream pour lequel le groupe pourrait être vendu au premier abord (et qu’il a été, en fait).

Un mot me traverse l'esprit : le spleen. Cette impression angoissante qui met une boule dans la gorge alors qu'on en redemande. RADIOHEAD s’inscrit parfaitement dans cette optique artistique et joue les 'Baudelaire' de l’Electro pop-rock. La gène que l’on peut éprouver à l’écoute de ces morceaux si difformes au premier abord se fait peu à peu commune, et OK Computer finit par vous engloutir dans son flot de traumatisme moderne. Le groupe exprime ainsi de la plus belle des façons le mal-être de notre société moderne, si terne de ses richesses auxquelles on finit peu à peu par s’habituer.

Impossible de décrire en globalité le contenu de cet album tant il est jalonné de rythmes, ambiances et d'effets divers. Les guitares se font souvent plus discrètes pour laisser la part belle à un ensemble de bidouillages électro (un peu grunge dans leur approche dépressive et 'crade' ) créant une atmosphère à la fois moderne, farfelue et froide. Sur "Climbing up the Walls" par exemple, la voix de Thom Yorke se voit trafiquée et accompagnée de bruits suraigus et de caisse claire trop claquante, donnant une impression d’urbanisme dépressif rappelant parfois BJORK ou PORTISHEAD. Le même style d’ambiance tristounette transsude de titres comme "Subterran Homesick Alien", plus énervé que "Exit Music" certes, mais toujours dans des tons Electro et froids, contrastant complètement avec ce que l’on trouvait sur les deux premiers albums. Clou du spectacle déprimant sans doute, "No Surprises" détourne les ambiances enfantines et joyeuses des sonorités de noël à des fins plus machiavéliques (histoire d’en démonter les ficelles du sacro-saint profit ?).

On retrouve cependant d’autres clins d’oeil aux premiers albums, ainsi "Let Down" ou "Lucky" rappellent les titres plus lents de leurs précédentes escapades, "Electioneering" à l'introduction très western rassure et nous démontre que le groupe sait s’en sortir avec des titres plus pêchus. Cependant, à de rares occasions je ne parviens pas à terminer l’écoute de l’album, celui-ci étant un peu lent dans son développement. Ayant souvent besoin de ma dose de vitamine musicale, je bute encore et toujours sur "Fitter Happier", un chouilla répétitif (même si c'est voulu) et sans doute inutile. Le dernier titre "The Tourist", également longuet, parvient difficilement à nous garder éveillés.

Mis à part ces quelques défauts de rythme, on voit difficilement comment RADIOHEAD pouvait de toute façon faire mieux après The Bends (comment faire plus parfait que parfait, sinon faire différent ?). C’est donc en détournant habilement l’attention sur une bonne dose d’expérimentations et de nouveau matériel que le groupe s’en tire avec les honneurs. Même s’il n’est pas mon album préféré du groupe, j’ai fini par découvrir The Bends après coup, ce qui m’a définitivement réconcilié avec son successeur. Si vous avez boudé les années 90 et maugréé à longueur de temps que c'était mieux avant, dommage pour vous, vous avez un train de retard. Dépêchez-vous, le prochain va bientôt partir.