Alors que le management de Wilko Johnson vient d’annoncer que le guitariste souffre d’un cancer très avancé mais qu’il souhaite néanmoins continuer les concerts pour revoir et remercier une dernière fois son public, il est important de revenir sur le début de carrière de Dr Feelgood, que tout le monde nomme « les années Wilko »
Soyons clair, LE vrai Dr Feelgood s’incarne dans ce premier line-up avec Wilco, Lee Brilleaux et John B Sparks et The Big Figure
Imaginez que vous poussez la porte d’un pub bondé dans les faubourgs de Londres, une fumée plus épaisse que le fog londonien vous saisit à la gorge, et le bruit intense vous vrille le cerveau, mélange de rires gras, de voix, de cris stridents des filles, de cliquetis des pintes de bières. Dans un coin, une scène minuscule encore plongée dans la pénombre. Un grand gaillard s’approche du micro et braille entre deux lampées de bière DDrrr FFFEEEEEELLGOOOOOOODDDD.
Les spots s’allument, au milieu, un gars en costard, le cheveu court; l’air mi-teigneux, mi-œil de velours; à sa droite tout en noir, les cheveux dressés sur sa tête, les yeux exorbités, le guitariste utilise son instrument comme une mitraillette pointée sur les spectateurs dont les balles dum-dum seraient les accords. Il saute, arpente la scène tout au long du show comme Williamn Kramps le tueur de bouchers dans Drôle de Drame de Marcel Carné. Impassibles le batteur et le bassiste semblent sortir des années cinquante.
Pas de solos, juste quelques chorus et des riffs.
Wilko a été fortement influencé par Johnny Kidd le guitariste des Pirates, son jeu est épileptique, en rupture, les morceaux sont particulièrement courts et préfigurent ce que deviendra le punk quelques mois plus tard
Ce coffret concentre toute cette énergie décrite, mélange de morceaux originaux et de standards passés à la moulinette Wilko et au traitement de choc du bon Doctor.
Cette musique donne envie de bouger, de sauter, de crier, d’embrasser la fille qui danse juste là, puis après une bonne rasade de stout de recommencer jusqu’au bout de la nuit.
Et qui peut résister à Roxette, Boom boom, I can tell Going back home Back in the night ou Riot in cell block number nine ?
Les disques et les concerts sont courts et ramassés, de l’énergie concentrée qui explose quand on dégoupille.
Le Doctor a prescrit son traitement de choc dans une période où la rock music devenait «sérieuse», quand les (allez je vais encore me manger des commentaires) Yes, Genesis, Tangerine Dream plongeaient des salles entières dans un délire comateux pendant que les Stones, Led Zep et le Floyd entassaient les billets verts dans les stades où le spectateur n’était qu’une fourmi venu communier en payant chèrement son obole.
Feelgood a remis l’urgence à l’ordre du jour, le côté rebelle du rock, rappelant certains fondamentaux, une musique pour danser, boire et draguer ;
Simpliste me direz-vous ?
Certes mais efficace et tellement excitant !