Eh oui, encore une reformation. C'est une maladie, décidément. Il semblerait qu'en ces années 2010, de nombreux musiciens des années 80, ayant parfois presque cessé leur activité musicale depuis des années, aient eu envie de refaire parler d'eux. Que leur motivation soit nostalgique ou commerciale, le résultat n'est pas souvent à la hauteur. Si on ne peut nier aux musiciens le droit d'encore créer, ce phénomène est assez agaçant parce qu'il aboutît souvent à du réchauffé fort décevant et peu cohérent, et c'est particulièrement dommage quand le groupe avait connu une carrière courte et sans taches. C'est le cas des PIXIES récemment, mais ils ont réussi à ne pas trop se planter et, surtout, à ne pas trop verser dans le mauvais goût... Pour MAGAZINE, c'est un peu plus grave.

MAGAZINE, ce groupe à la fois glam et punk qui avait été un des vrais inventeurs de la new wave. Quatre albums en trois ans, tous très réussis dans leur genre puis cet arrêt brutal en 1981... Le problème est que, contrairement à d'autres groupes comme BAUHAUS ou JAPAN, aucun membre du groupe n'a ensuite poursuivi une grande carrière. Seul le génial guitariste John McGeoch, qui avait quitté MAGAZINE en 1980, a encore beaucoup travaillé dans la musique, notamment avec SIOUXSIE AND THE BANSHEES et PIL. Hélas, McGeoch est mort en 2004... Le leader du groupe, Howard Devoto ? Il a fait un seul album solo plutôt bien noté, deux avec l'obscur groupe LUXURIA (d'où provient le nouveau guitariste) jusqu'en 90 et a un peu renoué avec les BUZZCOCKS vers 2000, c'est maigre. Le claviériste Dave Formula  et le batteur John Doyle ? Presque rien depuis 85. Vu que Barry Adamson ne participe même pas au présent album, on se retrouve avec une équipe inactive depuis belle lurette, plus un bassiste mercenaire.

Dans ces conditions, le résultat de ce No Thyself est inespéré. Le son est bon, il y a quelques idées de composition et le guitariste Norman Fisher-Jones a quelques bons moments. Tout de même, quelque chose cloche. Le son est plus carré et lourd que par le passé, parfois un peu hard rock, et Howard Devoto en fait des tonnes, il est caricatural. Sa prononciation très particulière, détaillant certaines syllabes avec un timbre acide, est plus gênante que par le passé. Ensuite, les textes sont bizarres... ils sont plutôt bons dans l'ensemble mais Devoto utilise mal une certaine grossièreté. Passons sur le fait que la moitié de «Other Thematic Material» est tout ce qu'il y a de plus porno (elle n'aurait pas pu être le single, ça non), car la chanson est manifestement décalée, mais d'autres indélicatesses un peu partout sont fort maladroites.

Le single a plutôt été «Hello Mister Curtis». Hommage, moquerie ? Humour noir parlant de Curtis, Cobain et Elvis. Elle ne sonne pas mal mais, à l'image de l'album, elle est un peu bancale. Ce sont cependant les ballades qui dévaluent vraiment le disque. «Physics» et «Final Analysis Waltz» sont ratées, et «Of course Howard» ne marche pas fort. «The Worst of Progress...» est moyenne, ce côté sombre et lent n'est pas typique du groupe. Il serait cependant injuste d'être trop dur, le jeu des instrumentistes est fort bon, même si les synthés de Formula n'ont pas progressé en trente ans et sont maintenant fort démodés. Sur les six autres titres, on retrouve ce rythme vivant typique de MAGAZINE et on ne s'ennuie vraiment pas. «Holy Dotage» est très chouette bien que ce riff heavy survolté ne soit pas très original. Néanmoins, ce sont les excellentes «Do the Meaning», «Happening in English» et «Burden of a Song» qui ressortent le plus et donnent un minimum de structure à l'album.

Un album étrange, donc, difficile à juger. Par moments très agréable mais plein de maladresses. Les fans du groupe auront apprécié, certains critiques ont même estimé qu'il était meilleur que Magic, Murder and the Weather, mais c'est plutôt celui-ci qui est injustement mal-aimé. Pour moi, No Thyself est plutôt bon dans l'ensemble mais ce retour de MAGAZINE était quand même passablement inutile. Les amateurs de new wave ne devraient pas être désappointés par ceci et peuvent le découvrir si le cœur leur en dit. Après tout, ULTRAVOX a fait pire l'année suivante...

Note : 2,5/5