Les artistes dont on connait absolument tout le répertoire, y compris totalement inédit, se comptent sur les doigts de la main. Pire, il n'en existe pas lorsqu'on prospecte dans les musiques classique et contemporaine. Dans le cas de György LIGETI, l'abandon de bien des pièces datant de ses premières années est dû à un recul qui lui a fait dire qu'elles ne méritaient pas la postérité. Ça, et l'arrivée de chars rouges à Budapest en 1956, ont vite fait d'amputer une partie de l’œuvre de Ligeti.

Cependant, tout n'a pas été perdu. En effet, en plus de quelques pièces des plus emblématiques (Musica Ricercata, le premier quatuor à cordes...), quelques pièces des années 40 ont pu être sauvegardées, et rassemblées entre autres sur la compilation dont il est question dans cette chronique. On peut ainsi suivre, même en filigrane, les premiers pas de l'ami György, entre travaux d'étudiant et début de la légende, avec au milieu (hélas) l'extermination de sa famille par le régime nazi.

Pour ce qu'on a à disposition de nos jours, on peut entre autres noter que LIGETI a souvent composé des partitions pour piano à quatre mains. Moins connu que le classique des classiques piano solo, le piano à quatre mains, de par la présence d'un pianiste supplémentaire sur l'instrument, permet d'obtenir une richesse sonore, une polyphonie plus travaillée, et ce à moindre coût. LIGETI nous le prouve à travers 9 morceaux très courts, le plus long dépassant à peine les 2 minutes. Les compositions pour piano à quatre mains sont dans l'ensemble réussies, on sent que LIGETI avait déjà du talent à revendre en tant qu'étudiant. Enfin, la Polifón Etüd n'est peut-être pas aussi convaincante, la faute à une impression de dissonance surlignée par un tempo lent. En revanche, Három lakodalmi tánc, qui démontre une recherche du côté du folklore hongrois, marquera avec ses mélodies certes très courtes (les trois mouvements forment un tout de 2 minutes 37), mais rapides et enjouées – même si le deuxième mouvement est lent et plutôt mélancolique.

En piano solo, LIGETI savait se débrouiller aussi. Outre les pièces plus tardives qui feront une partie de sa renommée, le compositeur délivre des partitions tout aussi dynamiques bien que moins denses. Ses deux Capricci, tous deux composés en 1947, sont clairement loin d'être des plus désagréables à écouter, au point qu'on regrette tout de même qu'ils ne soient pas plus développés. Mais après tout, ce n'est pas le but d'un caprice de durer longtemps, c'est dans sa nature. À noter au passage que contrairement à ce qui est indiqué, le capriccio numéro 2 a été composé avant le numéro 1.

LIGETI n'est certes pas un « génie ultime » de la musique contemporaine qui aurait percé dès le plus jeune âge, il n'en reste pas moins un compositeur fort doué et fort curieux dès lors qu'il a commencé à aborder la musique de manière professionnelle. Ses pièces au piano le prouvent.

PS : seules les 12 premières pistes de l'album sont évoquées ici. Les autres morceaux du CD seront traités dans des chroniques à part.