Il fallait que ça arrive un jour ; nos londoniens déçoivent après une longue série réussie d'albums suite au split qui donnera naissance à PLAID : de Silenced (2005) à Tranklements (2014) le parcours de la nouvelle formation approche le sans-faute mais là, ce Neither/Neither laisse un arrière-goût quelque peu amer. On a beau réécouter cet album, tenter de lui trouver toutes les qualités de ses prédécesseurs, on reste sur sa faim.

Naturellement, on essaie de se convaincre qu'on est peut-être passé à côté de quelque chose qu'on n'a pas remarqué, qui ne saute pas immédiatement aux yeux, qui doit mûrir comme un bon vin, non décidément rien à faire, on reste là nu devant cette cruelle déception : Neither/Neither est sans doute l'équivalent d'un bon Beaujolais mais il ne mûrira pas comme ses aînés ; et l'espoir n'y changera rien à moins d'être tombé dans la trappe de cette envahissante pensée magique contemporaine où le moins finit par se transformer en plus et où les courbes doivent s'inverser sous le coup d'injonctions.

Dans l'idée Neither/Neither se présentait bien puisqu'il devait être dans la lignée des – excellents - Radio Scarecrow (2008) et Further Vexations (2009), reprenant la thématique de la dénonciation de la société de surveillance et de contrôle de la pensée qu'il est urgent de déconstruire (1). Mais voilà, Neither/Neither n'apporte rien de nouveau.

Neither/Neither est grosso modo divisé en deux parties, la première ambient, downtempo et intelligente, la seconde techno et dansante. « Non Linear Information Life » est une belle entrée en matière rêveuse et crépusculaire qui, comme « Neither/neither » aurait pu se fondre dans les textures du conceptuel Music For Real Airports. « Them (Everyone is a Liar but) » est quant à lui trop répétitif (on se croirait chez le monotone Paul Kalkbrenner...). « B.O.O.K.S » est une sympathique plage ambient à l'humeur fluide et aquatique, mais il s'agit quasiment d'une musique pour installation dans l'esprit, et de ce côté Robert Henke est déjà passé par là avec Indigo Transform.

La seconde moitié de l'album est la moins intéressante tant cette techno anxieuse, qui reste malgré tout bien ficelée (« Hollow Stories, Hollow Head », « Commodification ») est trop impersonnelle et manque d'inventivité rythmique (« Platform Lvl 6 », « Control Needs Time », « Shut Eye »).

Qu'on s'entende bien ! Cet album n'est pas mauvais (loin de là), il est décevant au regard de la production passée à laquelle nous avait habitués The Black Dog. Clamer à qui mieux-mieux qu'on est Sheffield n'est pas suffisant pour se démarquer, d'où cette note peut-être un poil sévère aux yeux de certains mais qui se veut honnête. A moins d'être fan on restera donc mitigé devant ce Neither/Neither; les lucides se contenteront de regarder courir the black dog puisque le chien noir est, pour les Anglais, la représentation imagée de la déprime.

Note réelle : 2,5/5.


(1) « We live in dangerous times. We are blinded by control vectors that separate us from reality. And The Black Dog returns with a viral antidote: an album of de-programming material which they’ve called Neither/Neither … Non-linear hypermedia systems are openly used to control us, their operation being totally exposed, mocking our impotence, yet complete in their power. We are all proles now; all are expected to maintain a mental state of Neither/Neither, of uncertainty and inaction … We are surrounded and occupied by systems of platitude generation that are empty and self-referential. All is surface and all is hollow. » : The Black Dog