Avant de devenir troubadour solitaire, Bernard BENOIT a eu le temps de révéler ses talents d'arrangeur et d'accompagnateur auprès des plus grands noms de la scène musicale qui allait rendre sa fierté à la Bretagne. Il est associé aux plus grands succès de GLENMOR (jusqu'à 1972 et l'album Vivre), ainsi qu'au premier effort de la chanteuse MARIPOL en 1969, où il avait su marier à merveille la voix féminine, les arpèges de guitare folk, la poésie et la harpe celtique d'Alan STIVELL.

Ces quelques éléments (hormis la harpe) sont déterminants pour la suite de sa carrière, sous son propre nom. En fait de mots, la musique de Bernard BENOIT se passe très bien de littérature "classique" pour mieux défendre la sienne. La guitare est chanteuse principale, rejointe de temps en temps par une voix de femme en vocalises (celle de Joëlle Baron pour le premier disque) et d'autres instruments. Il en résulte une musique enchanteresse, à mi-chemin entre les danses de village et le pays imaginaire...

Les trois albums des années 70 reposent sur ces éléments et le premier, Guitare Celtique, conserve un charme rustique et pionnier. Il faut dire que si la harpe celtique a déjà fait du chemin grâce à Alan STIVELL, la guitare en Bretagne est presque toujours limitée à un rôle d'accompagnement. Bernard BENOIT est le premier artiste à la mettre si bien en valeur, en dehors de Dan AR BRAZ qui développe son propre son sur guitare électrique.

BENOIT préfère la guitare classique (cordes nylon) et la 12 cordes folk. Dans son sillage, on rencontrera d'autres guitaristes talentueux qui développeront cet aspect de l'instrument en Bretagne, à la 6 cordes folk cette fois : Soïg SIBERIL et... Dan AR BRAZ ! Ce qui caractérise également cet artiste talentueux, c'est qu'on peut le rapprocher des grandes figures anglo-saxonnes du rock progressif et qui évolueront dans un registre similaire, telles que Mike OLDFIELD, Anthony PHILLIPS et Steve HACKETT de GENESIS...

BENOIT est breton, les titres choisis pour les morceaux en attestent pour le néophyte, ainsi que son bon plaisir à écouter les danses comme "Avel Dro", "Plin ar Menez" et "(Danse d'Erquy) Bal Rigena", complétées par la présence de Patrig Sicard (DIAOULED AR MENEZ, SONERIEN DU...) au tin whistle, la flûte soprano irlandaise.

Les possibilités de jeu à la guitare permettent cependant à Bernard BENOIT d'employer une diversité d'influences. Il est difficile de ne pas penser à Jean-Sébastien BACH et à la musique andalouse, dans les ornements choisis, dans le son de la guitare 12 cordes (sur "Sklerijenn" et "Gwerz Fréhel") ou les couleurs les plus méditatives, souvent en introduction des pièces proposées. Le somptueux "Ressac" navigue ainsi sur un roulis d'arpèges entre différentes eaux, du Nord au Sud tout en regardant à l'Ouest !

Très loin vers l'Ouest même, si l'on prend le cas du dernier morceau, "An Dro Pour Trois Guitares", dont le balancement rythmique et la mélodie, quoique bretons, évoquent très fortement la musique sud-américaine, du côté des Andes... D'un autre côté, on a le feutré et magnifique "Glao War an Doen", première expérience contemplative en duo avec une voix féminine.

Ce disque est un essai, un bien bel essai. Le choix de morceaux décousus ne lui permet pas de marquer autant les esprits que les concepts futurs de Rigena (1978) ou de Prélude Englouti (1980), mais certaines personnes pourront toujours afficher leur préférence pour cette simplicité...