C'est ici que l'aventure de TOYAH en tant que groupe se termine. Après une collaboration de six ans, ce cinquième album est le dernier réalisé par Toyah Willcox avec son guitariste Joel Bogen. J'avais dans un premier temps envisagé de me limiter à ce groupe, mais la carrière solo de la chanteuse, forcément publiée sous le même nom TOYAH, mérite qu'on s'y intéresse... une histoire faite d'erreurs, d'humiliations, de féminisme, de rédemption artistique et d'amour.

Tiens oui, l'amour... un grand problème pour Toyah, assurément. Dans ses chansons, elle s'est parfois fait des romans, d'amour avec des extraterrestres et autres étrangers. Dans la pratique, sa vie sentimentale a été plutôt insatisfaisante avant 1986. Cette petite femme n'est pas vilaine physiquement, mais comme nous l'avons déjà évoqué plus tôt, elle en a bavé dans son enfance à cause de malformations, et n'a pas développé un tempérament de séductrice. C'est aussi pour ça qu'elle a pu avoir cette double carrière d'actrice et de chanteuse, son faible intérêt pour les choses de l'amour lui ayant laissé beaucoup de temps pour le travail.

Voilà, Toyah, c'est une bosseuse, plutôt du genre hyperactive. Elle allait même jusqu'à écrire ses textes quand elle était très fatiguée parce qu'elle avait une meilleure imagination dans ces conditions. Si on y ajoute quelques substances... illicites, il ne faut pas s'étonner du mélange de science-fiction et de morbide des premiers albums. En 83, plus que jamais, elle était débordante d'énergie. Tandis qu'en 82, au moment de composer et d'enregistrer The Changeling, elle était dans une assez mauvaise passe, elle affirme que l'année 83 et la création de Love is the Law est une des périodes les plus heureuses de sa vie, ou elle était dans un état d'excitation quasi-permanent, ce qui explique une chanson comme « I explode ».

C'est pourquoi elle classe ce disque parmi ses préférés, parce qu'elle garde de bons souvenirs de cette époque. On ne peut pas juger, c'est basé sur une expérience personnelle, pas sur un jugement critique de la qualité artistique... Redisons-le une fois de plus, c'est cruel pour les artistes, surtout les musiciens, mais non, ils ne sont pas forcément les mieux placés pour juger leur œuvre. Tout simplement parce qu'ils se souviennent plus de la création que du produit fini, parce qu'ils réécoutent peu souvent leur travail, que ce soit pas modestie ou pour d'autres raisons moins explicables.

Love is the Law, pour enfin y venir explicitement, n'est pas à proprement parler un mauvais album, mais il est plus daté et moins brillamment conçu que ses prédécesseurs... On y trouve effectivement une Toyah plus positive, toujours la tête sur une autre planète (il faut oser une chanson intitulée « Martian Cowboy »), mais pensant moins à la mort. Le titre indique qu'elle veut cette fois parler d'amour, mais il est quand même tiré des préceptes d'une secte – à laquelle Toyah n'a pas participé, mais elle trouvait la phrase jolie.

Les premières écoutes de ce disque peuvent être fort décevantes. Ce n'est qu'à force d'insister que j'y ai trouvé quelques qualités. Il est très électronique, ce qui est facilement daté, surtout avec un mixage assez plat, lumineux mais froid. Une platitude également due au départ de Phil Spalding (qui n'a participé qu'à trois titres ici) et Simon Philips, leurs remplaçants étant noyés dans les claviers de Simon Darlow, également nouveau. Oui, seuls Toyah et Bogen restent de l'équipe de The Changeling... après la paire d'albums brutaux de 80 et la paire séduisante de 81/82, nous entamons bien ici une troisième époque, ce que la pochette indique également avec ce logo plus futuriste et ces tons gris. La nouvelle équipe ne vaut pas la précédente, en tout cas.

Pourtant, il y a un certain charme, à bien y écouter. Toyah garde son sens de la narration si étrange, qu'elle combine à cette atmosphère plus froide pour donner un résultat assez original. Il est d'ailleurs curieux de constater son influence sur certains projets ultérieurs. Quand on entend un « Broken Diamonds », on peut penser à la carrière naissante de MADONNA. Pas impossible que les titres les plus new wave de celle-ci soient inspirés de Toyah. Plus curieux encore, ce lien déjà évoqué dans les chroniques précédentes avec TANGERINE DREAM. Je suis de plus en plus suspicieux... ce style un peu pop si décrié qu'ils ont adopté à partir de Le Parc présente des similitudes étonnantes avec un « Rebel Run », par exemple. À ceci près que ce registre convient à Toyah et pas à un groupe électronique comme TD, ce qui est flagrant à l'écoute de Tyger.

Un amateur de Toyah pourra au moins glaner quelques très bons titres ici, comme les deux « Rebel », « Dreamscape » ou « Time is Ours ». S'il y a des creux, plutôt situés en début et fin d'album, le style est homogène et le niveau reste honnête à défaut d'avoir le génie des précédents. Une chose est sûre, il ne faut pas juger trop durement un tel album, ce qu'on comprend surtout quand on entend le suivant. Autant le dire franchement, Toyah s'est vendue pour un temps à des labels commerciaux qui ont fait le plus grand tort à sa crédibilité artistique... ainsi, Minx est une aberration, d'une valeur insignifiante, à côté de laquelle Love is the Law passerait pour un chef-d’œuvre.

Note : 2,5/5