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TOYAH - Sheep Farming In Barnet (1980)
Par ARP2600 le 6 Novembre 2015          Consultée 2684 fois

La vie de Toyah Willcox est un vrai roman. Elle a d'ailleurs déjà publié une autobiographie quand elle avait 42 ans, c'est dire. Il serait trop long d'évoquer ici sa jeunesse dans le détail, disons donc seulement qu'elle était une enfant peu gâtée par la nature, victime de malformations et d'un défaut de prononciation qui l'ont condamnée à subir des opérations traumatisantes et des discriminations scolaires. Elle en est devenue totalement anormale, un petit bout de femme hyperactive et excentrique, notamment au niveau de la coiffure, s'étant fondue à merveille dans le mouvement punk puis la new wave.

Elle a eu beau n'en faire qu'à sa tête, elle vient quand même d'une famille cultivée de Birmingham et est loin d'être une idiote. Elle a vite eu l'idée de monter à Londres pour être actrice, ce qu'elle a eu l'occasion de faire du côté de 1976, à l'âge d'à peine 18 ans. Nous passerons aussi sur son métier d'actrice de théâtre, et parfois de cinéma, mais elle a été très active dès cette époque et a connu des grands noms de la scène anglaise. En parallèle, une fois à Londres, l'idée lui est vite venue de participer à un groupe musical ou d'en fonder un. Elle a ainsi été embrigadée dans un obscur groupe punk se produisant dans un cimetière, une expérience foireuse, à ceci près qu'elle lui a permis de rencontrer le guitariste Joel Bogen, qui allait devenir son partenaire d'écriture pendant six ans.

Un bon musicien ce Bogen. Il avait certainement une bonne culture des mouvements psyché, glam, krautrock, prog... sans être un guitariste spécialement virtuose, il avait manifestement beaucoup d'idées, un bon feeling musical. La combinaison avec les délires de Toyah allait pouvoir donner des résultats détonnants. Le groupe, simplement nommé d'après le prénom exotique de la chanteuse, s'est formé et étoffé dans le courant de 1977, avec notamment le claviériste Pete Bush, qui allait contribuer à l'écriture des deux premiers albums. Ils étaient cependant encore loin de les réaliser... Au début, ils répétaient et enregistraient leurs démos dans un genre d'entrepôt nommé Mayhem (littéralement « pagaille ») qui servait également de résidence à divers artistes désargentés. Un joyeux foutoir... De toute façon, Toyah était dans un premier temps un peu trop prise par son activité d'actrice et ce n'est que petit à petit que leur répertoire s'est construit, entre deux concerts.

Tout ceci pour dire qu'il a fallu attendre mi-79 pour qu'un petit label nommé Safari les engage. C'était mieux que rien mais c'est bien malheureux, ils auraient mérité autre chose que ça. Le manque d'ambition de Safari a clairement entaché leur notoriété, surtout au niveau international. Il faut tout de même être lucide : la musique qu'ils proposaient à leurs débuts est assez géniale mais pouvait difficilement parler au grand public. Déjà, la new wave commençait seulement à sortir de l'ombre, et ce n'est pas avec quelque chose d'aussi brut et délirant qu'ils allaient être remarqués. Il faudra attendre un certain assagissement sur Anthem pour qu'ils fassent un carton, mais seulement en Angleterre, malheureusement...

Brut et délirant, donc. Leurs premières chansons sont de la new wave bien spontanée, à comparer avec Ultravox-Ha!-Ha!-Ha!, les premiers DEVO, MAGAZINE et XTC. Une musique encore presque punk par moments mais employant beaucoup de synthés et des thématiques technologiques voire spatiales. Tout d'abord, six chansons ont été publiées comme un mini-album en août 79, qui a été étoffé en février 80 en un vrai album de quarante minutes. Les deux s'intitulent Sheep Farming in Barnet, Barnet étant une banlieue de Londres où ils ont joué leur premier concert. Pas de moutons sur la pochette, mais bien un décor de science-fiction, en fait une base de la RAF, avec une Toyah punk à souhait. Cette sortie tardive, alors que tout le matériel musical était prêt en août 79, est un exemple de l'énervante faiblesse de Safari.

Mais bon, trente-cinq ans plus tard, quelle différence ? Cette musique est de toute façon assez unique. Une new wave expressionniste, trompeusement simple mais fourmillant d'idées, un genre de pop distordue, détournée. Un drôle de truc, mais quand on mord à l'hameçon, c'est jouissif voire addictif. Rien que le single « Victims of the Riddle », combinant des lignes de synthés assez kitsch et des délires vocaux presque gothiques, est décalé mais étonnamment efficace. L'autre single, « Danced », présente une structure typique chez Toyah : début lent et monotone presque a capella, puis deuxième partie au contraire très rythmée, avec un riff gros comme une maison mais irrésistible. Le tout parlant d'une rencontre avec un extraterrestre... Tellement new wave, avec un pied dans le krautrock cosmique, tout comme « Computer », « Race through Space » ou même « Neon Womb ».

Cette dernière illustre aussi ses problèmes quant à la sexualité et à la maternité (womb = utérus), dus à sa personnalité complexe et aux problèmes physiques de sa jeunesse. Divers thèmes morbides qu'on trouve ici comme sur les trois albums suivants, par exemple sur « Elusive Stranger » ou « Last goodbye », se rapportent certainement au même malaise, qui ne sera résolu que par sa relation amoureuse avec Robert Fripp plusieurs années plus tard. Toyah a de toute façon affirmé que les sentiments négatifs étaient indispensables à la créativité... c'est un point de vue et elle n'a peut-être pas tout-à-fait tort (ceci me fait penser à un certain Grace under pressure, n'est-ce pas).

Enfin, comment passer à côté de petites merveilles comme l'explosive « Indecision », l'étouffante « Waiting » (à comparer avec de l'HARMONIA), la sournoise « Our Movie »... et même cette divagation « Victims of the riddle (Vivisection) », en fait la face B du single, pas si inutile qu'on pourrait le penser a priori. En vérité, plus j'écoute ce disque, moins je lui trouve de défauts. Même l'introduction bizarre de « Elusive Stranger » (du même modèle que « Danced ») n'est pas à dédaigner, à tout le moins elle renforce ce côté libre et mouvant de l'album. On passe de surprise en surprise, au risque de coincer sur l'un ou l'autre petits passages, mais c'est sans doute inévitable sur ce genre d’œuvre de pure folie. Sheep Farming in Barnet se trouve à l'opposé du spectre par rapport au doux et complexe The Changeling, mais dans les deux cas, il y a de quoi être épaté par une telle force de caractère.

Note : 4,5/5

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- Toyah Willcox (chant)
- Joel Bogen (guitare)
- Pete Bush (claviers)
- Mark Henry (basse)
- Steve Bray (batterie)
- Keith Hale (claviers sur 5, 10)


1. Neon Womb
2. Indecision
3. Waiting
4. Computer
5. Victims Of The Riddle
6. Elusive Stranger
7. Our Movie
8. Danced
9. Last Goodbye
10. Victims Of The Riddle (vivisection)
11. Race Through Space



             



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