Aaaaah. Les CARS ... Peut-on sérieusement converser autour du rock américain sans mentionner les cinq de Boston, aussi essentiels que les ancêtres BEACH BOYS, DOORS, STOOGES et BÖC, réunis autour d'un seul et même chanteur, guitariste, compositeur et parolier de légende : Ric Ocasek ? Bon, certains s'indigneront et iront mettre en avant Ben Orr, le beau gosse de la troupe de rocker à l'ancienne (en apparence) comme leader spirituel du combo. Vaine querelle quand on connaît la cohésion exemplaire qui régna sur la courte mais somptueuse carrière de ce quintette nostalgique du rock n'roll originel tout en étant à l'écoute des dernières innovations. Le batteur David Robinson, fan de voitures, trouve le nom du groupe. Le déjanté Roy Thomas Baker le prend sous son aile. Enfin le bolide rutilant pouvait s'extraire de son garage.

Le moins que l'on puisse dire, ce que les cinq américains ont démarré sur les chapeaux de roues. Ils n'ont proposé quasiment que des singles. L'album cartonne à tel point que certains se demandent si le groupe n'a pas dès ses débuts livrés son best of. Impossible en effet de rester de marbre face à des chansons qui rivalisent de mélodies divinement accrocheuses. Aussi je ne me lasserai jamais du triptyque "Don't Cha Stop" / "You're All I've Got Tonight" / "Bye Bye Love". Toute la maestria des CARS se déchaîne. La rythmique rock carrée, les synthétiseurs de Greg Hawkes, le Dave Greenfield US (amusant de constater que les deux hommes débutèrent comme guitaristes avant de se dévouer aux claviers), les voix de Ric et Ben, cette paire emblématique du rock US, la guitare d'Elliot Easton, véritable génie mélodique jalousé par un dénommé Slash ...

En fin de compte, il n'y aurait que le tube trop immédiat (et sans doute trop entendu) "Just What I Needed", le monolithique "Moving In Stereo" et le trop décalé "I'm In Touch With Your World" qui ne m'ont jamais permis d'adhérer jusqu'au bout à ce très bon premier opus. Pas de mauvais titres, mais finalement peu représentatifs de ce dont le quintette est capable. Ils ne déstabilisent en rien le luxueux édifice qu'est l'album, efficace de son intro imparable qu'est "Good Times Roll" à "All Mixed Up", magnifique conclusion où l'alliage synthés, saxo, guitares atteint des sommets en matière de spleen : mais trop facile. L'aura bubblegum prend le dessus sur les aspirations de Ric (malgré quelques paroles quelques peu ... étranges dirons nous, "I needed someone to bleed" ...) et il faudra encore patienter pour que les CARS atteignent leur maturité. Certes, en matière de new wave US, le combo domine, loin devant BLONDIE (jamais été emballé par Miss Debbie) et juste devant la paire post punk TALKING HEADS et DEVO. Mais cette année là, les grands albums du genre sont britanniques. "𝘙𝘦𝘢𝘭 𝘓𝘪𝘧𝘦" de MAGAZINE règne en maître tandis que "𝘉𝘭𝘢𝘤𝘬 𝘈𝘯𝘥 𝘞𝘩𝘪𝘵𝘦" des STRANGLERS ou "𝘚𝘤𝘳𝘢𝘵𝘤𝘩" de Peter Gabriel (en 78, la power pop immortelle s'appelle "On The Air") coiffent au poteau ce premier CARS séduisant mais encore trop gentillet et orienté "musique pour minettes et teenagers".

Les débuts prometteurs d'un grand groupe, dont l'immensité de son capital sympathie n'a d'égal que la qualité de ses textes et de sa musique. Let the good times roll ...