Vanessa Paradis, l'album éponyme, est l'un des plus appréciés de la belle, aussi bien par les fans que les non-fans. En 1992, la jeune femme âgée de 20 ans est mieux mise en valeur que jamais grâce à une série de photographies réalisées par Jean-Baptiste Mondino (qui avait déjà fait le clip de "Tandem"), et qui ornent les pages de son troisième album... tout en anglais !

C'est pourtant un autre homme qui tient les clés de la réussite pour Mademoiselle Vanessa. Non, pas Florent PAGNY qu'elle vient de quitter, et une nouvelle collaboration avec Serge GAINSBOURG n'était pas non plus envisageable. Lenny KRAVITZ, l'Américain, vient d'exploser les charts avec sa ballade "It Ain't Over 'Til It's Over", son plus gros tube, et "Are You Gonna Go My Way" n'était pas encore là pour muscler le ton. Dans l'intervalle, son gros projet est aussi celui de Vanessa PARADIS. À côté, le couple à la ville se dessine naturellement, mais l'histoire n'est pas aussi simple ni aussi évidente.

Le son chaud de l'album de 1992 tranche avec la réverbération du précédent, Variations Sur le Même T'aime. KRAVITZ et son complice Henry Hirsch façonnent une œuvre à la hauteur du talent du métis, multi-instrumentiste et multi-influencé. De la soul au rock psychédélique en passant par la Motown, toutes les facettes sont abordées, et la demoiselle s'y prête plus que volontiers, arrive même à caser un nouvel hommage à Lou REED avec une reprise de "Waiting for My Man". Un niveau bien au-dessus de "Tou toudou toudou tou tou dou tou...", mais c'est une appréciation personnelle.

Le single porteur est "Be My Baby", très Motown, sympathique quoiqu'un brin scolaire. Au moins, Vanessa est assez « cheeky » pour que l'expérience soit concluante. Ca s'écoute bien. On peut aisément lui préférer, dans un autre registre, le dernier des singles, "Natural High", qui ouvre l'album avec grâce. Un slow blues avec des cordes flottantes, un piano Wurlitzer au son saturé et une belle ritournelle qui colle bien avec la sensualité de la chanteuse. Envoûtant.

Un peu plus loin, on apprécie également beaucoup "Lonely Rainbows", "Sunday Mondays" et "The Future Song", avec des arrangements personnels qui, de la part de KRAVITZ, ne sont pas sans évoquer son compatriote PRINCE dans la démarche, chanteuse à l'appui, mais avec un rendu plus classique. Le meilleur moment reste "Silver and Gold", folk lui aussi teinté de psychédélisme. Beau boulot sur les guitares globalement.
Le problème, c'est quand KRAVITZ fait de la soul, et notamment de la "nouvelle soul", cette couleur de début 90's qui lui appartient, avec programmations hip-hop (le futur r'n'b dans sa version prototype), même si cela donne des choses intéressantes comme le morceau "Paradis", instrumental où Vanessa susurre et où on entend quelques cuivres apporter un peu de piquant.

La fin de l'album ne tire pas celui-ci vers le haut et, en fait, sa diversité globale dans une unité marquée peut constituer un point fort autant qu'un point glissant. On comprend néanmoins que la "petite" Vanessa devenue grande, avec son accent franchouillard couronné d'une voix acidulée et adaptée pour la langue de Shakespeare, a trouvé son public avec ce disque osé. En France, le risque est bien entendu celui de chanter en langue étrangère, mais cela n'affecte pas le moins du monde un troisième album devenu double platine. Beau pari, œuvre très sympa à réécouter de temps en temps.