Succéder aux deux fantastiques albums que sont, Je Blesserai Personne (2006) et Légendaire Sérénade (2010), n’est pas chose aisée. D’autant plus si l’on considère que malgré leurs qualités, ceux-ci n’ont pas rencontré le succès qu’ils méritaient, ce qui entraîne la fin de la relation liant, depuis 15 ans, PIERPOLJAK à sa maison de disque. Il faudra donc attendre 2015, pour que Pierrot le fou sorte Général Indigo, son huitième album (si l’on fait abstraction de quelques mixtapes), qui fait référence à un surnom qui lui a été donné en Jamaïque. Délaissant un peu l’orientation « chanson française » adoptée sur les deux disques précités, ce nouvel opus est l’occasion d’un léger recentrage vers la culture de base de PIERPOLJAK: le reggae.

Difficile de dire si cette couleur musicale est la conséquence des nombreuses collaborations que l’on trouve sur cet album, ou bien si celles-ci sont nées de la volonté de PK de revenir à des sonorités plus reggae. Toujours est-il, qu'au niveau de la composition, il s’est entouré de différents acteurs de la scène dance hall / reggae : les deux Thomas de TnT (batterie et guitares), Bost&Bim (Matthieu BOST et Jérémie DESSUS), Kubix (Xavier BEGUE, guitares) et Manu Digital (Emmanuel HERON, Basse et production).

Débutant en beauté, avec les excellents "Une Epée Suspendue" et "Pour Moi C’est Déjà Légalisé", General Indigo propose de très bons morceaux aux arrangements soignés et aux textes fouillés. Ces deux titres, probablement les meilleurs de l’album, bénéficient de mélodies efficaces et entraînantes, d’arrangements très propres. Bien qu’un peu moins facile d’accès que ses prédécesseurs, les autres morceaux de ce disque se veulent toutefois assez grand public, tant PIERPOLJAK met l’accent sur la qualité des mélodies et l’utilisation judicieuse des riddims.

La variation des ambiances, qui voit l’artiste passer en souplesse de titres percutants à des morceaux plus intimistes, permet en outre de maintenir intact l’intérêt de l’auditeur et de renforcer l’impact des atmosphères développées. On passe ainsi d’un "Puta Vida Loca" dans lequel le texte est porté par une musique très claire et des guitares acoustiques aux accents exotiques, à un "Keep On Data" aux rythmiques plus lourdes et plus typées reggae. Cette dualité se retrouve également dans les sujets abordés, et l’on passe aisément de thématiques graves et « sérieux », à des titres bien plus légers ("Amusons-nous", "Rub A Dub Music").

Cependant, si la forme reste globalement assez primesautière, le fond renvoi la plupart du temps à des sentiments sombres : la nostalgie, la colère, le fatalisme… Le thème de la séparation amoureuse et de ses corollaires en termes de garde des enfants, un sujet qui lui tient personnellement à cœur, est une fois de plus abordé avec émotion au travers de "Papa Du Week-end". Malheureusement toutes les compositions ne sont pas d’égal niveau, et la qualité subit un léger trou d’air en milieu d’album avec les assez dispensables "Amusons-nous", "Un Homme Malheureux", et "Sérieux Merdier". Pour ces deux derniers titres, c’est d’ailleurs bien dommage car les textes sont bien travaillés et auraient mérité d’être mieux mis en valeur. Mais cela n’altère pas durablement le plaisir d’écoute de ce Général Indigo qui s’achève de belle manière avec le légèrement hypnotique, "Automne A Paris", qui est magnifié par d’heureuses sonorités électro.

Si PIERPOLJAK ne parvient pas à tutoyer à nouveau l’excellence, comme cela était le cas avec ses deux efforts précédents, il réussit toutefois à nous proposer un très bon album, confirmant par la même que l’inspiration est toujours en lui sur la dernière décennie.