Kingston Karma est incontestablement l’album de PIERPOLJAK le plus connu, celui qui lui a permis d’acquérir auprès du grand public le statut de chanteur de reggae français qui compte. Il faut dire que, contrairement aux albums qui lui succéderont, Kingston Karma est un disque 100% reggae, excellent de surcroît. Le bonhomme est allé à la Mecque rastafari chercher la certification qui fait rêver tout reggae man : il a enregistré son album aux célèbres Tuff Gong studio, avec notamment Leroy "Horsemouth" WALLACE, le batteur de Bob MARLEY. Mais ce n’est pas le seul grand nom du reggae qui est crédité ; ont également participé à cet album les légendes que sont Sly DUNBAR (batterie), Earl "Chinna" SMITH (guitares) et Robbie SHAKESPEARE (basse). Soit des musiciens qui ont accompagné, entre autres, Bob MARLEY, Mick JAGGER, Jimmy CLIFF, Peter TOSH, BLACK UHURU, BURNING SPEAR, Bob DYLAN, Joe COCKER, Yoko ONO, Grace JONES, Serge GAINSBOURG...

Ne voyons pas dans cela un outil de marketing car le résultat est excellent : tant au niveau de la musique que des paroles, il ne fait aucun doute que PIERPOLJAK atteint là le sommet artistique de sa première partie de carrière.

Pour ce qui est des compositions, le reggae chaleureux et un tantinet old style de mister PK se révèle bougrement efficace. Tour à tour festive, entraînante, plus pesante et sombre, ou bien lascive, sa musique fait mouche à chaque fois. En effet, de l’immédiat et sautillant "Je Sais Pas Jouer" au plus langoureux et indolent "Mon Imagination", la qualité est indéniablement au rendez-vous. Et bien que clairement ancré dans le reggae cet album a, de plus, l’heur de visiter plusieurs ambiances. Ainsi, le très dansant "Ready Time" nous propulse dans un bar de plage de la Dominique ou de la Jamaïque, avant que la nuit ne tombe, avec notamment un duo de voix particulièrement efficace. Alors que le presque intimiste "A L’intérieur" possède une beauté tout autre, en appelant à plus de langueur, de sensualité. Cette diversité et cette richesse permettent à l’intérêt de l’auditeur d’être en permanence alimenté par des sensations variées.

Mais si l’on doit trouver un dénominateur commun aux compositions de ce Kingston Karma », c’est du côté du caractère très chaloupé de celles-ci qu’il faudrait creuser, à l’image de "Si Ça Ment". Cela est à porter au crédit d’une orchestration qui place la basse en avant. Mais qui enrichit également les compositions avec l’ajout d’un saxophone, de chœurs, de cuivres. Cet éventail musical se retrouve au niveau des textes. Ceux-ci, mi poétiques, mi revendicatifs, sont parfaitement mis en orbite par les rampes de lancement que constituent les belles mélodies troussées par PIERPOLJAK et ses invités. Que les textes évoquent les difficultés et les joies de la vie quotidienne, les rêves d’évasion et de liberté ("Déesse"), ou bien se montrent plus protestataires, ou tout du moins empreints de préoccupations sociales ("Police", "Cultivateur Moderne"), le talent de PIERPOLJAK est bien prégnant. Ce, même si Kingston Karma est un des albums dans lesquels il se montre sous son jour le plus positif, le moins torturé et querelleur.

De fait, Kingston Karma est un joli rayon de soleil dans la discographie de l’artiste. Un album de reggae entraînant et efficace qui l’impose comme un personnage important de cette scène en France. Et rien, lors de son écoute, ne peut laisser présager l’évolution future qu’il va faire prendre à sa musique. En 1998, PIERPOLJAK est tellement ancré dans un reggae lumineux qu’il est bien difficile d’envisager alors, quelques années plus tard, que le reggae deviendra une composante mineure de ses disques et que ces derniers auront une couleur bien plus intimiste et sombre.

Un excellent album de reggae.