Break. Cassure. Ce moment où tout bascule. En 1998, c'est clairement ce qui arrive à ENCHANT, et d'ailleurs les critiques d'époque ne l'ont pas ignoré. Après deux albums (dont un qui m'a... yââââââââwn pardon) et un EP en forme de super-bilan, ENCHANT a décidé (ou la musique a-t-elle décidé pour eux ?) de changer son fusil d'épaule. Il n'aura donc échappé à personne dès la première écoute que Break casse complètement les codes établis par le quintet depuis ses débuts.

Le son est radicalement plus organique et hard rock, les chansons plus simples, moins longues, les solos toujours présents mais moins techniques et surtout moins systématiques (disons plutôt qu'ils ne sont plus l'aboutissement de chansons-prétextes). Rock progressif ? A peine, à grand peine. A part pour l'utilisation de claviers, souvent cheap d'ailleurs, ENCHANT n'a plus de prog que le nom, et Break peut être clairement considéré comme un album de rock, de rock lourd, de rock limite alternatif, et qui a en tous cas bien plus d'affinités avec le SOUNDGARDEN de Badmotorfinger et Superunknown qu'avec SPOCK'S BEARD, GENESIS, MARILLION, Aya NAKAMURA ou que sais-je d'autre groupe de rock progressif.

Est-ce que cette nouvelle identité fonctionne ? Sur la première moitié, c'est un énorme oui. L'intense "Break" avec son pont dreamy, le single "King" avec sa basse incroyable de pêche (pourtant, ce n'est pas Ed Platt, qui a brièvement quitté le groupe), l'accalmie avec le très ambiancé "My Enemy", de nouveau un tube avec "Defenseless" et un riff de clavier anthologique sur "The Lizard". Les mélodies, très accessibles et prenantes, s'enquillent comme des poupées russes, Ted Leonard est à son zénith, et surtout aucun instrumentiste n'en fait trop. Les fans de progressif n'y trouveront pas leur compte, mais les amateurs de rock oui, totalement. Le mixage est pêchu, ça se boit comme du petit lait.

Le revers de la médaille sera que cette nouvelle formule magique s'essoufle en milieu de parcours. De "Surrounded" à "My Gavel Hand", vous avez quatre chansons qui ont toutes un élément intéressant (cette intro de "Silence" qui prend par les tripes !) mais n'arrivent plus à passionner sur la durée. On ne s'ennuie pas cependant, vu l'implication des musiciens, c'est juste que le niveau baisse d'un cran de façon assez contrastée. "The Cross" remonte le tout avec un savant mélange entre le côté rock de Break et les parties progressives de Time Lost. En moins de sept minutes, ce titre développe plus d'ambiances que les autres, ce qui lui permet de se démarquer - là où sur les disques précédents il serait passé inaperçu.

Un mot sur la bonus track "Once a Week". Reléguée en fin de CD, elle ne mérite non seulement pas cette place, mais encore moins d'être une bonus track. Majoritairement acoustique, mais bien plus passionnante que les unplugged ratés du groupe, elle aurait remplacé "My Gavel Hand" que le disque en aurait été transfiguré. En l'état, ce n'est "que" un bon disque de rock mélodique, qui pose la sempiternelle question de l'originalité contre l'efficacité. La réponse se trouve dans le plaisir d'écoute, qui est bien présent. Mais en changeant ainsi de son, ENCHANT ne risque-t-il pas de perdre d'anciens fans ? Pas de panique, le groupe trouvera un subterfuge pour continuer à jouer les badass rockers tout en restant xen.

Note finale : 3,5/5