Le milieu des années 80 et la création du single "Le jour s'est levé" au succès massif ont raison de TÉLÉPHONE, considéré alors comme le plus grand groupe rock français. Louis Bertignac, ne voulant pas prendre une direction qu'il juge commerciale, s'en va avec Corinne Marienneau fonder les Visiteurs, tandis que Richard Kolinka reste auprès de Jean-Louis AUBERT dans Aubert'n'Ko.

D'abord en 1986, ces derniers sortent le titre rock à guitares et direct "Juste une illusion", bel exemple d'efficacité à la TÉLÉPHONE et qui permet aux fans de ne pas se sentir trop dépaysés, preuve également d'une complicité AUBERT/Kolinka faite pour durer. La gloire est toujours au rendez-vous, mais l'année suivante, en 1987, le morceau se trouve inclus à un album bien différent.

Plâtre et Ciment. Rares sont les disques qui rendent hommage de la sorte au secteur secondaire, celui du bâtiment ! AUBERT, le natif de Nantua (département de l'Ain, 01, un cadre splendide), n'est pas allé faire des études d'architecture. Il dirige seulement le ton de la chanson éponyme vers un rapprochement entre l'échec d'une relation amoureuse et le métier de la maçonnerie, à grandes métaphores.

Lorsqu'on sort d'un groupe comme TÉLÉPHONE, il n'y a pas trente-six chemins : soit on fait la même chose ("Juste une illusion"), soit une autre très différente. Aussi, les fans peuvent-ils se sentir vite déboussolés en constatant que Jean-Louis AUBERT fait de la funk. Il y en avait déjà un peu avant ("Electric Cité", sur Un Autre Monde en 1984), certes.

Tout comme il y avait de gros moyens, car Au Coeur de la Nuit a été enregistré aux studios de Jimi HENDRIX, Dure Limite produit par Bob EZRIN et John Entwistle des WHO invité sur Un Autre Monde. Ici, AUBERT se contente d'inviter Frédérick Rousseau, collaborateur de VANGELIS et Jean-Michel JARRE ; puis Jean-Louis Roques, l'accordéonniste attitré de RENAUD, sur deux titres et autant pour WENDY (Melvoin) & LISA (Coleman) de la bande à PRINCE.

L'un des couples lesbiens les plus sexy et talentueux de la musique pop se fond bien dans un élément qu'il maîtrise, sur "Tel est l'amour (mon amour)" ainsi que "Plâtre et ciment". Là où les morceaux de TELEPHONE duraient entre trois et quatre minutes en moyenne, ceux-ci en font cinq ou plus de sept. Les congas de Feedback, membre du groupe Aubert'N'Ko à part entière, ajoutent une couleur artisanale solide à ces improvisations, autant que la batterie de Kolinka et les guitares tenues par le chanteur.

Ce dernier a invité son vieil ami, Daniel Roux, à tenir la basse et à placé Marine Rosier aux claviers. Chose peu appréciable d'ailleurs à de nombreux moments, à cause de l'emploi de synthés-cuivres déjà indigents pour l'époque. Ensuite, le remplacement et le doublage, l'un comme l'autre fréquents, de Rosier par d'autres claviéristes (Lisa Coleman, Frédérick Rousseau, Julian Lindsey) ne rend point justice à la part féminine d'Aubert'N'Ko.

On l'aime beaucoup, Jean-Louis AUBERT, avec sa voix d'adolescent. En revanche, côté paroles et dès le départ, c'est un festival : "Comme un trou que tu vas m'faire... Comme un jour où toi partir, ou moi partir...", "Je suis l'horizon qui s'en va là-bas... et puis je te vois... Quand j'avance, il recule, comment veux-tu...", "Et je touche ton nez du bout de mon nez..." (narration sensuelle sur "Les gens disent" qui va plus avant). Désolé pour ceux qui ont apprécié, moi pas du tout.

Le cocktail se répète à travers des chansons qui n'ont de louable que l'envie de se démarquer du rock. Même "Les plages" avec ses mots bavards, son blues chargé et sa mélodie façon vieille romance, on peine à croire que ce soit le single à retenir, puisque "Juste une illusion" est sorti avant. D'ailleurs, concernant ce dernier et pendant longtemps, son incorporation à l'album a suscité un bond effrayant pour l'auditeur du point de vue du mixage, car totalement différent du reste de l'album.

De toute évidence, le maître mot de ce dernier est "maladresse". Certaines paroles arrivent à faire mouche ("Je veux profiter pendant que nous ne sommes pas les gens" à la fin de "Les gens disent"), tout comme une poignée de chansons dans leur globalité. "Oui et non" par exemple, ballade sur l'incompréhension amoureuse avec accordéon et guitare 12 cordes, sympathique ; le naïf "Quand Paris s'éteint", son cha-cha léger et ses nappes vaporeuses. Et "Juste une illusion", bien sûr. On parlait de guitare et, en rythmique surtout, il y a de bonnes choses.

Au contraire, à propos du AUBERT version funk, rhythm'n'blues ("Compromis") ou même reggae ("J't'aime tellement"), il y aurait beaucoup à redire sauf si, par exemple, les titres avec WENDY & LISA étaient restés instrumentaux. On ne parle là que de musique et ça ne sert à rien d'en rajouter. Je me souviens d'ami(e)s fans qui, par jeu, avaient imaginé chacun(e) une compilation personnelle de la carrière de Jean-Louis AUBERT. Eux aussi ne retenaient qu'un morceau de Plâtre et Ciment, voire deux, guère plus.