J'ai le souvenir de la sortie de cet album, comme du précédent, qui avait permis à Jean-Louis AUBERT de revenir à fond sur les ondes. Des amis, un rien nostalgiques de l'époque TÉLÉPHONE il est vrai, avaient gentiment critiqué Idéal Standard, déplorant l'orientation 'tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil' de leur idole.

Le titre mentionne une gamme de plomberie que l'on peut croiser régulièrement dans des lieux publics, mais pour AUBERT, consciemment ou non, c'est d'abord une manière de rappeler ce que les médias et autres parviennent à façonner. À 50 ans, le chanteur-guitariste donne l'impression de s'assagir encore, de partir de questions simples sur la vie auxquelles il apporte moult réponses avec moins de mordant qu'autrefois.
Les chansons ont été écrites au cours des quatre dernières années, et l'artiste met du temps à se poser pour l'enregistrement. Il se révèle être le seul à user du sacro-saint château d'Hérouville (temple musical français en cadre comme en hôtes depuis 1970), alors à l'abandon depuis belle lurette et encore pour longtemps, en plein hiver 2005 et dans des conditions minimales. Les autres participants, Richard Kolinka, Chilly GONZALES, Laurent Vernerey et Thomas Semence, l'y rejoignent ponctuellement.

Comme pris par la grandeur du lieu et l'isolement dans un contexte pareil, l'album est intimiste, avec de rares moments emportés qui sont aussi les moments les plus aisément accrocheurs. Il s'agit de "Parle-moi", reposant sur d'autres standards de communication, et de la pop-blues sautillante "À ceux qui passent", chanson qui tourne la société de consommation au vitriol, très éloignée du reste des paroles proposées. AUBERT voulait la mettre au début du disque, puis s'est ravisé en pensant que ça le 'casserait', mais de facto, même avec la piste cachée "Sensation" dédiée à Arthur RIMBAUD (qui s'intègre bien mieux à l'ensemble), c'est tout de même le cas ! L'autre titre un peu à part est "Point final", subtilement écologique.

La simplicité des paroles conjuguée à la lenteur, presque torpeur, de l'ensemble, les arrangements plutôt fins et discrets, notamment dans les claviers et résonances graisseuses de guitare électrique, ne convient pas facilement l'auditeur à se laisser prendre, n'amènent pas ce disque à être un 'grand'. Et pourtant, il s'agit de son plus vendu avec près de 500 000 exemplaires ! Au-delà de ces considérations, on peut le voir comme une semi-réussite.
"Idéal Standard", pépère et gentillet, invite chacun à écrire sa belle histoire plutôt que de la calquer sur celle des autres ; on y remarque un choix d'arpèges et de percussions fortes qui demeure la marque de fabrique globale, hormis quelques éléments rock.
"Glissons", "Ailleurs", "L'heure bleue" et "Je pars" s'insèrent davantage dans une folk planante, du simple piano à la résonance de guitare. Elles forment pour l'auteur AUBERT comme le chanteur camarade des rampes de lancement à des réflexions sur l'amour, des envies de voyage.
L'amour surtout est au coeur de tout avec ses contradictions, jusque dans les titres. Malgré la qualité indéniable des quatre susmentionnés (à laquelle on ajoute "Sensation", poésie positive), la plus belle demeure "On aime (comme on a été aimé)" pour son bel équilibre entre écriture naïve et maturité, une des plus personnelles de l'ami Jean-Louis. Perdue dans cet album homogène, elle en est tout à son image, guère inaltérable mais intéressante, agréable.