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- Membre : John Cale , The Velvet Underground

NICO - The Marble Index (1968)
Par DERWIJES le 27 Janvier 2020          Consultée 1373 fois

S’attaquer à la discographie de NICO nécessite de s’intéresser à la personne. Et ce n’est pas de tout repos, tant les descriptions faites par ceux qui l’ont connue se contredisent : réservée, secrète, mais en même temps exubérante, enfant gâtée, cultivée, parfois décrite comme raciste voire même antisémite, on se rend vite compte qu’elle était une femme complexe, en tout cas qu’elle était très mal dans sa peau.
Personnellement, j’accorde beaucoup d’importance à son enfance : née en 1938, elle ne connaît que la guerre pendant sa petite enfance (elle disait d’ailleurs que l’un de ses premier souvenir était celui des bombes alliées détruisant la ville autour de l’église où sa famille s’était réfugiée), elle a 7 ans lorsque la guerre se termine avec l’entrée de l’Armée Rouge dans Berlin et les conséquences désastreuses pour les civils. Son adolescence se passe dans l’après-guerre, alors que la jeunesse allemande –sa génération- doit panser ses blessures et tenter de se construire tant bien que mal une identité dans un pays détruit et divisé.

Nous avons vu la suite de son histoire dans la chronique sur Chelsea Girl : elle entre dans le monde de la mode et se construit une personnalité vaporeuse et superficielle pour s’y adapter, se fait un nom, chante avec le VELVET UNDERGROUND, enregistre un album solo qui ne vend pas… Elle serait restée une simple égérie des sixties si ce n’était pour sa rencontre avec celui qui deviendra son âme sœur : Jim MORRISON. Entre eux deux l’osmose est immédiate et c’est d’ailleurs le seul point où tous les témoignages sur elle sont d’accord.
Ils ont pour point commun d’avoir une vision morbide de la vie et de consommer plus de drogues –surtout du peyote- que de nourriture, ce qui, d’après la principale intéressée, est la principale raison pour laquelle leur relation ne put jamais se construire réellement. Morrison l’emmène loin de Warhol et de ses clowns, dans le désert où il la gave de peyote et de poésies Romantiques, lui lisant Mary SHELLEY, Lord BYRON, William BLAKE… C’est un voyage initiatique pour Nico qui en revient changée, transfigurée.
Le changement est radical. Dès son retour à New-York elle ne veut plus gagner sa vie grâce à son apparence, elle ne veut plus de cette beauté qu’elle perçoit comme un fardeau et veut faire peau neuve comme un lézard : elle se teint les cheveux en noir et ne porte que d’amples vêtements noirs qui ne mettent pas ses formes en valeur. Elle veut continuer à jouer de la musique, mais en écrivant dorénavant ses propres textes et signe un contrat avec Elektra, la maison de disque des DOORS. Jac HOLZMAN, à la tête de la compagnie, se doute bien que ses disques ne se vendront pas, mais la signe quand même, par intérêt artistique plutôt que financier, une décision qui mérite d’être soulignée.

Hors de question pour Nico de laisser les producteurs imposer leurs visions sur son album une nouvelle fois. Elle demande à John CALE de s’en occuper et l’informe d’office qu’elle n’officiera que sur le chant et sur l’harmonium, un nouvel instrument que Morrison lui a fait découvrir, qu’elle a obtenue de Leonard COHEN et dont elle s’est entichée. Au début Cale est inquiet, surtout quand il s’aperçoit qu’elle sait à peine jouer de l’instrument, il change néanmoins très vite d’avis. Nico n’utilise peut-être pas tout le potentiel de l’harmonium, mais elle a développé sa propre technique, bâti autour de mélodies lentes et répétitives sur lesquelles elle accorde sa voix en concordance. Le résultat est stupéfiant, bien loin de la folk de son premier album.
Cale s’enferme en studio pour travailler autour de cette base. Il y ajoute quelques instruments, apporte quelques modifications ci et là, et ressort trois jours après avec le produit. La réaction de Nico à l’écoute du produit fini ne se fait pas attendre… Comme lors de l’écoute de Chelsea Girl, elle éclate en sanglots… Mais de joie, cette fois-ci ! Pour le titre de l’album elle s’inspire de The Prelude de William WORDSWORTH : « with the prism and silent face / The marble index of a mind for ever / Voyaging through strange seas of Thought, alone. »

La découverte de l’album surprend, déroute. The Marble Index est aussi peu accueillant que possible. L’ambiance est froide, hivernale, renvoie des images d’arbres morts pris par le givre. Le chant de Nico est crépusculaire, lointain, comme un appel depuis la tombe. Les ajouts de Cale au clavecin et au violon ne font que renforcer cette atmosphère sombre. Nous sommes renvoyés à la musique médiévale, à ces chants grégoriens profonds qui résonnent sous les voûtes des cathédrales. De nos jours nous avons subis le New Age qui a ridiculisé ces influences, mais dans le contexte de 1968 c’est complètement étranger pour le grand public. Les critiques de l’époque n’ont d’ailleurs pas su quoi en faire, et je vous renvoie vers l’excellent essai de Lester BANGS sur l’album, intitulé « Your Shadows Is Afraid of You : An Attempt Not To Be Frightened By Nico », dans lequel il expose la fascination qu’il ressent envers The Marble Index, fascination dans le premier sens d’attrait dangereux du terme.

Sans surprise pour personne, l’album ne se vendit pas. Le partage des critiques entre ceux qui l’avaient adorés et ceux qui l’avaient détesté ne fit rien pour l’aider, et il fut vite classé dans ce magnifique fourre-tout qu’est « l’avant-garde », quelques-uns se risquant à prononcer à voix basse le mot « minimaliste ». Contre toute attente, il engendra malgré tout un culte. Cela commença avec les jeunes filles qui décidèrent de suivre l’exemple de Nico en s’habillant et se coiffant comme elle, recevant de fait le surnom inspiré de « Nico-teens », puis se propagea aux curieux qui prirent la peine d’écouter l’album et furent touchés en plein dans leurs âmes par la beauté morbide qu’il dégage. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais il fut sauvé de l’oubli par une nouvelle génération de musiciens deux décennies plus tard, des musiciens du nom de SIOUXSIE & THE BANSHEES, SISTERS OF MERCY, BAUHAUS, qui emmenaient avec un eux un nouveau genre : le rock gothique. Le mot est lancé, voilà ce à quoi l’auditeur de 2020 peut résumer The Marble Index si il veut aller au plus simple : un disque pré-gothique. Un des mythes fondateurs du genre, un de ses piliers.
La subtilité qui fait de The Marble Index un chef d’œuvre qui le place loin, très loin au-dessus du lot, c’est Peter MURPHY qui la résume le mieux dans cette comparaison bien trouvée : « Nous étions gothiques comme l’étaient les films de la Hammer, Nico était gothique comme l’était Mary Shelley. »

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   DERWIJES

 
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- Nico (chant, harmonium)
- John Cale (arrangements)


1. Prelude
2. Lawns Of Dawns
3. No One Is There
4. Ari's Song
5. Facing The Wind
6. Julius Caesar (memento Hodié)
7. Frozen Warnings
8. Evening Of Light
9. Roses In The Snow
10. Nibelungen



             



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