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- Style : Bob Dylan , Captain Beefheart

Tom WAITS - Nighthawks At The Diner (1975)
Par K-ZEN le 22 Mai 2021          Consultée 954 fois

Au moment où je relisais ma chronique une fois publiée consacrant Small Change, je m’aperçus que Nighthawks At The Diner que je citais presqu’immédiatement, n’était pas présent sur le site. J’y croyais pourtant, dur comme fer ! Hallucination visuelle… Qu’à cela ne tienne, les affaires étrangères attendront encore un peu.

La première difficulté consiste à le classer. Les sources sont en désaccord, entre Rate Your Music et Wikipedia, on ne sait sur quel pied danser. Album studio ? Live ? Studio en live ? … Personnellement, j’ai toujours trouvé que cette dernière expression lui seyait à ravir, soulignant parfaitement ce particularisme le caractérisant, cette complicité avec un auditoire certes limité mais actif.

L’idée d’un album live fut avancée par le manager de WAITS, Herbie Cohen en 1975, le chanteur partageant la même envie, alors qu’il planchait déjà sur un nouveau longue-durée, avec l’objectif de le graver en mai. Son producteur Bones Howe proposa d’aménager une arrière-salle du studio Record Plant sur Beverly Boulevard. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Il réserva le studio pour deux soirées fin juillet et aménagea la salle en mode cabaret : tables avec nappes à carreaux, cacahuètes, bretzels, vin, bière à gogo… Quant aux invités, ils étaient triés sur le volet : entre amis (Paul Body, Michael C. Ford, Chuck E. Weiss) et employés d’Elektra-Asylum. L’ambiance est détendue, bon enfant, avec un WAITS qui blague, tchatche sur les introductions des chansons, provoquant l’hilarité du public. Difficile de croire que quelques mois auparavant, l’humeur était plus mitigée.

Juste après l’enregistrement de Heart Of Saturday Night, Tom WAITS éprouva des sentiments mitigés à son égard : 'C’était vraiment mal foutu, mais j’ai essayé' dirait-il des années plus tard. 'Je crois qu’à l’époque je voulais vraiment voir ma tête sur le corps d’un autre'. La tournée qui s’ensuivit avec Frank ZAPPA, bien qu’elle fût dans un sens enrichissante, le déprima franchement. Seul tous les soirs dans une 'forêt d’équipement chromé, comme une arène de rodéo ou de hockey', le public le considérait comme le singe de service, n’exprimant aucun respect pour lui et sa musique. Le 16 août aurait finalement raison de lui, affecté par l’agressivité trop prégnante des spectateurs, il ne reviendrait pas au Santa Monica Civic le second soir pour assurer sa prestation.

Toutefois, la perspective des droits d’auteur liés à la reprise par les EAGLES de son morceau "Ol’ 55" n’allait pas tarder à le remettre en piste et en lumière. Une version qu’il n’appréciait guère, à l’instar plus globalement de la musique du groupe californien. Il déclara ainsi 'qu’écouter les EAGLES était à peu près aussi excitant que de regarder de la peinture sécher', remarque qu’il regretterait plus tard et mettrait sur le compte d’une provocation juvénile. Amusant d’ailleurs de constater en comparaison, sur la jaquette conçue par Cal Schenkel, piquée à une certaine idée mise en peinture par Hopper, comme une certaine timidité de l’artiste vis-à-vis de la foule foisonnant dans ce restaurant.

Cette mise en lumière permit à Heart d’obtenir plus d’attention dans la presse, Stephen Holden, dans son article pour Rolling Stone, disposant WAITS comme le pendant de SPRINGSTEEN sur la côte ouest. En outre, le chanteur donna également son premier concert en tête d’affiche le 8 octobre 1974 à Denver.

Malgré tout, le Californien savait qu’il n’était encore qu’une première partie. En effet, comme il le précise avec une grande lucidité, 'sortir un album revenait à obtenir un diplôme qui vous donnait accès à un amphi où un millier d’ahuris avaient pondu un disque exactement comme vous'. Son planning de fin 1974 (ouverture pour LITTLE FEAT au Troubadour en décembre avec le paternel Frank au premier rang) /début 1975 (FLYING BURRITO BROTHERS, Gene CLARK ou Bonnie RAITT) en atteste.

Nighthawks reconduit les mêmes musiciens figurant sur Heart, mis à part derrière les fûts où Jim GORDON est remplacé par Bill GOODWIN.

Introduit par une ligne de basse volumineuse, "Emotional Weather Report" est pratiquement un rap, s’arrêtant un instant sur la solitude dans les quartiers glauques, avec 'bourrasques de vent' à l’intersection de Sunset et Alvarado. Une météo globalement assez perturbée à l’image de la 'situation émotionnelle déconcertante' de l’artiste. WAITS troque ensuite son piano pour la guitare, le temps de s’égarer sur une route abandonnée campagnarde une 'nuit de brouillard'. Un des deux titres country du disque, avec la relecture de "Big Joe and Phantom 309" empruntée à Tommy FAILE.

Lancé par des références locales ravissant le public ('burger bizarre chez Norn’s', 'escalope dangereuse du Copper Penny'), "Eggs and Sausage" est le joyau de l’album, entre jazz et blues d’une élégance folle, une ode grandiose à la junk food. "Better Off Without a Wife" poursuit le brossage du portrait du hipster célibataire encroûté avec moult références masturbatoires à l’appui. Balade assez émouvante voire compatissante, on y distingue aussi beaucoup de second degré avec le thème typique du mariage cité. Peut-être le narrateur a-t-il été déçu, voire éconduit, buvant de la 'bière tiède' pour oublier la 'froide femme fatale'.

Des arrosages de jardin, des pavillons d’avant-garde cossus, un mec en costard qui se la pète alors qu’il sort du bordel, des parkings en étage gardés par des gardiens luttant contre le sommeil, des lunes hyperboliques. Toutes les influences littéraires chères à WAITS se lisent en filigrane dans l’épique parlé "Nighthawk Postcards", onze minutes pleines à ras-bord d’instantanés tirés de 'la rhapsodie d’une soirée en cours', peuplée 'd’escrocs à la petite semaine, de chauffeurs de taxi et d’habitués du Chubb’s Pool & Snooker', où le narrateur cherche en vain "High Blood Pressure" de George PERKINS dans le juke-box.

"Putnam County", trou typique où Kerouac et Cassady auraient cherché ce que le chanteur appelle 'la nuit américaine sombre, chaude et narcotique', louche du côté de Hank WILLIAMS et Charlie RICH, dans une ambiance country western avec 'Stratocaster suspendues au-dessus de bides gonflés de Burgermeister' et contrebasse jouée à l’archet. Elle annonce en outre les grandes balades à venir, "Kentucky Avenue" ou "Tom Traubert’s Blues" mais encore ponctuées de notes d’humour et relativement épargnées de telle gravité.

"Spare Parts I", coécrit avec Chuck E. Weiss, expose un groove plaisant, contrastant avec la nostalgie habitant "Nobody". La reprise finale de "Spare Parts" permet à Tom de remercier l’orchestre et d’inviter tout le monde chez lui pour un after d’enfer.

Encore aujourd’hui, cette session revêt un aspect assez légendaire comme l’indique Bones Howe : 'Des musiciens comme MELVOIN et CHRISTLIEB ont tourné dans le monde entier et joué avec tout le gratin, mais on continue de venir les bassiner : 'C’était comment, Nighthawks at The Diner ?'.

Je reste plus mesuré pour ma part, malgré sa bonne humeur communicative indéniable.

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- Tom Waits (chant, piano, guitare)
- Mike Melvoin (piano, piano électrique, guitare)
- Jim Hughart (contrebasse)
- Bill Goodwin (batterie)
- Pete Christlieb (saxophone ténor)


1. (opening Intro)
2. Emotional Weather Report
3. (intro)
4. On A Foggy Night
5. (intro)
6. Eggs And Sausage (in A Cadillac With Susan Michels
7. (intro)
8. Better Off Without A Wife
9. Nighthawk Postcards (from Easy Street)
10. (intro)
11. Warm Beer And Cold Women
12. (intro)
13. Putnam County
14. Spare Parts I (a Nocturnal Emission)
15. Nobody
16. (intro)
17. Big Joe And Phantom 309
18. Spare Parts Ii And Closing



             



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