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 Guide Jazz (846)

Keith JARRETT - Life Between The Exit Signs (1968)
Par MR. AMEFORGÉE le 23 Novembre 2007          Consultée 7024 fois

En 1968, Keith JARRETT n’a que 23 ans lorsqu’il se lance dans l’enregistrement de son premier album en tant que leader. Né d’une mère hongroise et d’un père britannique, on le sait enfant prodige, composant avant même d’arborer la célèbre moustache qui sera emblématique de son style (tout d’effets brossés, et parfois à rebrousse-poil). Encore bourgeonnant, il est à ce moment-là seulement connu pour avoir joué quelques années dans les messagers du jazz d’Art Blakey, puis surtout dans le quartet du saxophoniste Charles Lloyd (ce qui n’est pas la pire des cartes de visite, on en conviendra).
Cela dit, il faut attendre les années soixante-dix pour que sa renommée explose, après un petit tour chez Miles DAVIS, notamment grâce à ses concerts en solo et en improvisation totale de 1973 et de 1975 (à Brême, Lausanne et bien sûr Cologne).
Ensuite, différents éléments contribuent à forger autour de lui une sorte de légende folklorique : les grognements extatiques qu’il pousse lorsqu’il joue (absents de ce premier essai toutefois : on entend parfois des murmures), sa façon de faire littéralement l’amour à son piano, et son caractère réputé épouvantable vis-à-vis du public, qui en fait un personnage ambigu, adoré pour sa musique et détesté pour son attitude.

Nous nous trouvons pour l’instant en 1968 et Keith JARRETT choisit soigneusement les membres de son trio, loin du menu fretin : Charlie Haden à la contrebasse, dont l’expertise s’inscrit dans le mouvement du free jazz (son nom reste lié à celui d’Ornette COLEMAN, qu’il a accompagné sur ses albums séminaux), et Paul Motian à la batterie, que l’on a pu entendre, quelques années plus tôt, aux côtés de Bill EVANS. Et c’est toute la dualité que l’on retrouve ici, où Jarrett cherche à articuler son goût pour un jazz lyrique, touché d’influences classiques, à la Bill EVANS, et son attirance pour le free, cette envie de dépasser les règles fixées de l’improvisation. Cette idée nous fournit d’ailleurs la clé, me semble-t-il, pour interpréter l’image de la pochette.

Le résultat est un jazz à la fois accrocheur, agréable à l’écoute et exigeant, plutôt créatif. En ce sens, "Lisbon Stomp" peut servir de mètre étalon : le morceau débute in medias res, sur une mélodie plutôt guillerette, qui jette comme une clarté appréciable ; pourtant, le travail de syncopes et le rapport très fluctuant des rythmes confèrent une sorte d’instabilité, de non linéarité à la trame de l’improvisation, qui demande du coup un temps d’adaptation à l’oreille. Cela peut dérouter et pourtant en constitue tout le sel. On en tient pour preuve le fait que le titre dure près de six minutes et en paraisse trois, comme si tout était naturel. On y voit aussi un JARRETT soucieux de laisser s’exprimer ses musiciens, qu’il laisse discourir en taisant à l’occasion ses ardeurs pianistiques.
On retrouve cette façon d’aborder la musique tout le long de l’album avec, chaque fois, un aspect qui sera prédominant, soit le côté free, soit le côté lyrique. Ainsi, "Love n°1" est une ballade à la Bill EVANS, paisible et bleue, quand "Love n°2" s’avère être une course échevelée, où les notes se déroulent en cascade, se poursuivent, avant de se séparer, à la lisière de la dislocation, du silence, recherche de sonorités inhabituelles, pour enfin se retrouver dans un nouveau tumulte. Une certaine conception de l’amour, qui traduit les élans de la passion.
On peut donc regrouper entre eux des morceaux comme la reprise du standard de Cole PORTER "Everything I Love" qui manie avec aisance le rapport à la mélodie et les exigences de l’improvisation, l’entraînant et tendre "Margot" ou encore le morceau qui donne son nom à l’album. Et de l’autre côté, un "Long Time Gone" qui se développe en longues déstructurations et un "Church Dreams" qui nous révèle des songes bien peu catholiques (bien peu scrupuleux des bonnes mœurs et des règles, s’entend), tout en cherchant à synthétiser dans un inatteignable équilibre les deux visages arborés ici.

Life Between the Exit Signs s’écoute plutôt agréablement. Si la discographie du pianiste est longue comme un serpent de mer, partagée entre quartet américain, quartet européen, nouveau trio, expériences solos, compositions orchestrales et interprétations classiques, on peut dire que ce premier essai ne fait pas affront à la suite. Il éclaire d’une certaine façon le rapport duel de JARRETT à sa musique, dont on pourra s’amuser à rechercher les traces tout au long de son parcours, particulièrement significatives. Après cette expérience, on sait qu’il est inutile d’aller sur Mars, on a déjà trouvé de la vie quelque part entre les panneaux de sortie.

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Keith Jarrett (piano)
- Paul Motian (batterie)
- Charlie Haden (contrebasse)


1. Lisbon Stomp
2. Love N°1
3. Love N°2
4. Everything I Love
5. Margot
6. Long Time Gone (but Not Withdrawn)
7. Life Between The Exit Signs
8. Church Dreams



             



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