Le retour au bercail de Vinny Burns n’aura pas été un coup d’épée dans l’eau. Avec l’album Sacred Ground, publié en 2016, DARE a proposé un de ses meilleurs albums d’une carrière longue, à défaut d’être particulièrement féconde. Non pas que DARE ait attendu après le retour de l’adulé guitariste pour se remettre à accomplir de grandes choses (les albums des années 2000, enregistrés avec Richard Dews, sont d’une beauté désarmante), mais il est vrai qu’il existe entre Darren Wharton et son comparse musicien une alchimie naturelle, comme si la douce voix du chanteur et la flamboyance de la six-cordes, à la fois céleste et mordante, étaient faites pour s’entendre. Ainsi, et si nous aurions préféré que Darren se remette à composer plutôt que de proposer une version réenregistrée de l’album Out of the Silence en 2018, c’est avec une certaine impatience que nous attendions de découvrir ce nouvel album qui met fin à 6 longues années d’abstinence créatrice. Un rythme somme toute normal pour le groupe.

Road to Eden, plus que Sacred Ground, sert de réceptacle à l’empreinte imposante de Vinny Burns. Le choix a semble-t-il été de laisser, sur cet album, un très large espace d’expression au guitariste, et l’entame de l’album, « Born in the Storm », est un véritable manifeste. L’ambiance est ici résolument mordante, hard rock, énergique. Nous n’irons pas jusqu’à parler d’agressivité, car la douceur de la voix chaude de Darren Wharton apporte un contrepied aux saillies de la six-cordes, mais l’ambiance proposée se pose en référence directe aux premiers albums du groupe. « Born in the Storm », introduit par des sonorités d’orage, de pluie, qui scellent la relation forte qu’entretient Darren avec la nature et les éléments, ancré dans son Pays de Galles d’adoption, sert de moteur à l’ensemble de l’album. Nous retrouvons ici le DARE que nous connaissons, délicat, presque atmosphérique parfois, mais il règne sur l’ensemble de ces morceaux une touche un peu plus sauvage apportée par une guitare plus mordante que sur les réalisations passées. Sur « Cradle to the Grave », le travail de Vinny Burns est superbe. Les mélodies sont intenses, et les ambiances nous enveloppent. Le refrain, accrocheur, évoque RUNRIG et des intonations celtiques sans vraiment l’être. Il y a du U2 également dans le jeu de guitare, ici magistral.

Nous redécouvrons ici un DARE qui, sans être particulièrement aventureux, réaffirme son identité. La belle énergie de « Only The Good Die Young », dont les paroles semblent évoquer l’amitié de Darren avec Phil Lynott, chanteur de THIN LIZZY décédé en 1986, est parfaitement représentatif du style habituellement pratiqué par le groupe, de même que « Grace », qui propose un mélange astucieux entre piano et guitare acoustique, et dont la richesse mélodique créé une insondable profondeur. Le refrain est d’une pureté qui évoque la création de l’univers (vous parlez d’enthousiasme !). Dans une veine similaire, « Thy Kingdom Come » qui clôt l’album propose un refrain magistral et un solo savoureux qui s’étend longuement. « I Always Will » se fait également très traditionnel, mais aussi résolument efficace dans sa capacité à marier le DARE des années 2000 avec celui, AOR jusqu’au bout des ongles, de la fin des années 80.

Si la ballade orientée piano « Lovers and friends » n’est pas l’œuvre la plus magistrale créée par le groupe, nous restons bouche bée à l’écoute de « The Devil Rides Tonight », une fausse ballade insaisissable, intense, sur laquelle Vinny Burns lâche carrément les chevaux. Non pas qu’il se soit particulièrement restreint sur le reste de l’album, mais la guitare est ici omniprésente, proposant des touches subtiles et des envolées flamboyantes.

En laissant un peu de côté la facette la plus douce de sa personnalité au profit d’une guitare omniprésente, DARE propose un album qui se révèle être le chaînon manquant entre Out of the Silence et Sacred Ground. Comme ses prédécesseurs, cette nouvelle réalisation demande d’être apprivoisée tant elle se fait riche en mélodies, en chœurs, en arrangements, en émotions, mais elle s’impose comme un album résolument abouti, qui sert de support idéal à l’alchimie entre les deux protagonistes principaux que sont Darren Wharton et Vinny Burns. Un album peut-être moins décisif que Sacred Ground dont la beauté pure continue de nous bouleverser, mais certainement très représentatif de la carrière du groupe.