KARPATT a bâti sa carrière à travers de très nombreux concerts où le groupe distillait son rock manouche teinté de multiples ambiances, avec une maîtrise indéniable de la scène.
En 2019, sort Valparaiso, un album qui tire son inspiration des tournées du trio dans de nombreux pays tels l'Indonésie, la Slovaquie, la Croatie, la Suisse, la Russie, les pays Baltes, la Biélorussie, la Belgique, l'Allemagne, le Kazakhstan, la Hongrie, le Canada, l'Italie, les États-Unis, l'Espagne, l'Ukraine, la Tunisie, le Salvador, le Nicaragua, le Costa Rica, le Panama, le Honduras, le Guatemala, et le Chili.
Comme peut le suggérer son titre, le Chili justement est au cœur de l'album : tous les morceaux sont, plus ou moins directement, liés à la découverte de ce pays par le groupe.
Et ce sous différents angles : la difficulté de vivre là-bas, la beauté du pays et bien entendu les événements politiques qui ont suivi l’élection de Allende en 1970. Cela débouche sur un album plein de poésie et de rythmes, qui s’émancipe un peu de l’ADN humoristique qui collait (et colle toujours) à KARPATT.
On passe en effet des lumineux et beaux "Panamériciane" et "Valpo" à des titres plus poignants et sobres comme en témoignent "Canto Libre" et "L’exil". Tout en passant par des morceaux dont la musique évoque plus précisément le Chili, à l’image de "Mela Cumbia" de "Cueca" ou du délicieusement chaloupé "Secousses". Il en va de même de "Chinchinero" qui rappelle un peu le style de SIDI WACHO.
Et bien sûr, il y a toujours ces chansons qui racontent des histoire qui nous emportent dans leur récit.
C’est ainsi le cas de "Trois sœurs", la mise en chanson semble-t-il d'une histoire traditionnelle, ce qui donne lieu à un très agréable morceau entraînant et frais. Mais également avec "Enfermée" qui ressemble à "Les lettres de l’autoroute" de PIGALLE (Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, 1990).
Chaque fois, les textes autant que l'interprétation sont de toute beauté. Gaétan Lerat nous gratifie notamment d’une très belle performance vocale toute en douceur sur "Valpo". La qualité des arrangements et la clarté du son permettent, au surplus, aux titres de nous être proposés dans des conditions idéales.
Il faut dire que le trio s’est entouré de nombreux invités. C’est ainsi le cas sur "Mela Cumbia" où la chanteuse brésilienne Flavia COELHO vient pousser la voix, accompagnée de son claviériste attitré, Victor-Attila VAGH, alors que Leogildo RUIZ FELITA, du groupe de cumbia et de rock chilien CHICO TRUJILLO, vient jouer de la flûte.
On retrouve, aux détours de certains titres, le trombone de KROPOL (TETES RAIDES), la trompette de Brice MOSCARDINI (ZOUFRIS MARACAS), les percussions de Daniel BRAVO (TRYO). Il en résulte des arrangements très riches, notamment si l’on considère que KARPATT est normalement un trio.

Valparaiso se déguste avec beaucoup de plaisir en continuant à exhaler ses odeurs de voyage tout au long des écoutes.
Bien loin de l’image de groupe de scène à l’humour festif et irrésistible, KARPATT confirme qu’il est également un excellent groupe de studio capable de nous pondre une série de petits bijoux ensorceleurs bigrement convaincants.
Impérial en concert, le trio confirme qu’il est impressionnant en matière de composition et d’arrangements.
A voir impérativement sur des planches.