Vous connaissez ces morceaux. Vous êtes capables d’en chanter les mélodies, d’en frapper le rythme, d’en réciter les paroles, pourquoi pas. Même si vous n’êtes jamais allé en Ecosse, même si vous n’êtes pas du genre à avoir le pied marin, vous connaissez ces morceaux. Vous les connaissez, car les 12 hymnes – ne vous y trompez pas, ce sont bien des hymnes – que les REAL McKENZIES ont choisi d’enregistrer sur leur nouvel album ont été chantés par d’autres depuis des décennies, voire des siècles. Alors que la formation canadienne célèbre cette année ses 30 années d’existence, la voici bien décidée à se frotter à ces intemporels chants de marins qui, depuis fort longtemps, ont rythmé le travail des hommes sur les bateaux. L’ironie est ici prégnante, puisque durement frappé par l’annulation de l’ensemble des concerts pendant près de deux ans, Paul McKenzie a dû vendre le frêle esquif qu’il entretenait avec passion, tandis que le groupe lui-même a failli prendre l’eau. Le naufrage a été de peu évité.

Deux sujets principaux se retrouvent au cœur des morceaux sélectionnés : l’Ecosse, ses Highlands et vertes collines d’un côté, et la mer, impétueuse, de l’autre. Naturellement, les titres ici présentés ont bénéficié d’arrangements "à la sauce" des REAL McKENZIES. Comment débuter cette collection autrement que par "Scotland The Brave" et sa mélodie introductive portée par une cornemuse puissante par-delà les mers et les océans. Un mur de guitares et la voix concise, faussement nonchalante, du toujours fringant Paul McKenzie constituent les principales forces de cette entame fédératrice. Le punk est déjà présent dans l’esprit, mais pas tellement dans l’exécution. Il faut attendre "A Red, Red Rose" pour retrouver la frénésie habituelle du groupe dont les membres s’éclatent comme des gamins à revisiter ces mélodies connues de tous. Ce morceau, de même que l’excellent "My Heart’s In The Highlands" et l’inévitable "Ye Jacobites By Name" sont issus du répertoire du célèbre poète écossais Robert Burns, auquel les REAL McKENZIES avaient déjà rendu hommage par le biais d’un album live en 2002. Les Canadiens n’échouent pas à saluer l’œuvre de cet artiste rarement revisité sous ce format punk.

Au titre des morceaux connus de tous, rajoutons les chants de marins "Drunken Sailor", ici présenté dans une version survitaminée qui permet d’éviter le sentiment de redite, ce titre ayant été repris par la grande majorité des groupes de punk celtique, ou le réussi "Dead Man’s Chest", porté par une mélodie forte, qui s’impose comme un des meilleurs moments de l’album. Pour l’anecdote, sachez que ce chant de marin est fictionnel, puisqu’il a été écrit par Robert Louis Stevenson pour son roman iconique L’Île au Trésor publié en 1883. Quelques pièces plus calmes et résolument folk viennent aérer l’ensemble. Nous (re)découvrons ainsi avec plaisir "Sloop John B", chant venu des Bahamas et popularisé par les BEACH BOYS en 1966. Il manquait un peu de patine sur cette version, que viennent rétablir les REAL McKENZIES à travers une interprétation mélancolique et désabusée. "Swansea Town", morceau daté du début du 20ème siècle, est une ballade splendide, ici interprétée par la voix écorchée de Brenna Red, chanteuse du groupe THE LAST GANG.

L’interprétation est au poil, et nous nous retrouvons ainsi à chanter ces morceaux vieux pour certains de plusieurs siècles comme s’il s’agissait de hits punk composés hier. Voici la force de ces titres intemporels mis en valeur par un groupe qui, avec 30 ans de carrière derrière lui, ne peut pas être accusé d’avoir choisi la facilité. Car s’il est certain que nous aurions préféré un album constitué de matériel original, se frotter à ces morceaux connus de tous, et les rendre intéressants pour qui a déjà entendu ces mélodies un nombre incalculable de fois, voici un défi qu’ont relevé avec les honneurs nos punk vieillissants. La mer, la terre et leurs mélodies ont ici trouvé des interprètes de choix !

3,5/5