La décoloration, un sujet qu'il ne vaut mieux pas aborder surtout si l'on n'aime guère et qu'on sait que les chevelures des femmes concernées ne changeront pas de sitôt. Ce que SHAKIRA a commis à vingt ans, Shania TWAIN s'y tient désormais à soixante-sept. Elle tient toujours à se montrer jeune fille et les séquences photos proposées pour ce nouvel album Queen of Me ont leur charme. Reste à savoir ce qu'il en est de la musique, même si un drôle de goût transparaît, en partie dû à la présence du signal "Parental Advisory/Explicit Content" en bas à droite de la pochette. Pourquoi donc, d'ailleurs ? Parce qu'elle dit 'fucking liar' sur "Pretty Liar" ? Sacrés Américains !

Si la Canadienne est toujours une star dans sa patrie natale et aux U.S.A., Queen of Me est aussi peu visible en France qu'il est défendu comme il se doit en Grande-Bretagne. Preuve qu'il n'y a pas que le revival 80's qui fonctionne, l'époque qui a suivi n'est pas boudée pour autant. Et ce n'est que justice, car les chansons nouvelles écrites par Shania TWAIN et ses musiciens (David Stewart, Marc Crew, Dan Priddy, Tom Mann) sont des réussites, bijoux pop-country mais pas seulement. Parfois, apparaît même un certain Olle Romö, programmateur et producteur qui avait, voilà plus de vingt-cinq ans, participé à Come on Over et aussi, en 2004, au brillant Borrowed Heaven des CORRS.

Si on est en terrain connu avec le sautillant "Giggy Up!", efficace jusque dans ses 'la la la' post-refrains, ou encore avec le plus aérien "Inhale/Exhale Air", il n'est pas difficile pour autant d'adhérer aux efforts de la dame pour toucher un public plus porté sur le versant électro de l'easy-listening. La partie "Got It Good"/"Number One" lorgne carrément vers des tons disco et, surtout pour la première, on peut le dire, le groove va bien à Shania ! Quelques efforts tendance 60's/rhythm'n'blues/pop bubblegum sont également à noter dans le bon sens : "Best Friend", "Pretty Liar" et "Waking Up Dreaming".

Là où le bât blesse, et cela fait carrément mal de le dire, c'est le chant. Shania TWAIN en studio de nos jours fait plus de peine qu'autre chose, et ce n'est hélas pas une surprise puisqu'on l'avait déjà remarqué sur l'album du retour, Now! en 2017. Elle (ou son entourage) voudrait faire oublier les problèmes vocaux qu'elle a rencontrés il y a quinze ans ainsi que les opérations nécessaires, mais très curieusement, la surenchère au niveau effets/corrections ne fait que mieux évoquer ces problèmes passés, surtout dans les notes graves.

Ce timbre graisseux voire vinaigré, ces échos en pagaille et chœurs forcés desservent Shania plus qu'autre chose, dès le premier morceau. À l'époque 'Mutt' Lange, ce n'était pas toujours de la dentelle, mais là... Les cuivres de "Giddy Up!" ne servent pas à grand-chose non plus d'ailleurs, et ils n'apparaissent plus ensuite sur l'album alors que tant d'opportunités se présentaient, les titres sixties genre ce cynique "Pretty Liar" ou bien "Best Friend" notamment. Sans compter que parfois, les conclusions arrivent vite et brusquement.

Aucun choix cependant ne rattrape le chagrin causé par le résultat laissé par le chant. Et vous savez ce qui est le plus triste ? C'est que les rares fois où la voix de Shania sonne au plus près du naturel, sans emballage superflu ("Last Days of Summer", "Not Just a Girl"), on remarque franchement la différence et on apprécie presque comme à la grande époque. Certaines chansons bien arrangées, nappes splendides comprises auraient très bien pu figurer sur un disque des années 1990, à l'instar de "Brand New" et "Waking Up Dreaming".

Si une majorité de Queen of Me se trouve flinguée par la production de la voix, toutes les chansons demeurent des réussites, mention spéciale à un "Not Just a Girl" parfaitement équilibré, à "Last Days of Summer", et au final inattendu "The Hardest Stone", titre brumeux et serein avec de beaux échanges dans les parties vocales pour le coup. Ce n'est pas la première fois qu'un gâchis se forme ainsi de nos jours, y compris pour Shania. Reste à espérer qu'elle se dise qu'il n'est point besoin de vouloir prouver quelque chose en forçant le trait ; les titres les plus profonds et les mieux réalisés forment l'évidence même de son talent et du plaisir qu'on a de la retrouver.