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- Style : Magma
- Style + Membre : Univers Zero, Thierry ZaboÏtzeff
 

 Art Zoyd (892)

ART ZOYD - HÄxan (1997)
Par NANAR le 10 Février 2024          Consultée 177 fois

Le troisième ciné-concert d’ART ZOYD eut comme sujet Häxan, La Sorcellerie À Travers Les Âges, film du réalisateur danois Benjamin Christensen en 1921. La première internationale eut lieu le 31 octobre 1995 au Royal Festival Hall à Londres, et la première française le 19 janvier 1997, au Festival Sons D’Hiver de Charly-le-Roi.

Les albums de 1989 à 1997 partagent de nombreux sons en commun, une certaine manière de bâtir les ambiances, mais surtout un élagage significatif de la composition, bien que conservant toujours une éminente singularité. De l’aveu même des musiciens, les compositions de Häxan, comme celles de Marathonnerre cinq ans auparavant, ont précédé le projet de ciné-concert, et c’est ensuite qu’elles ont été redécoupées et réordonnées pour les performances en public, au contraire de Faust et Nosferatu qui étaient des œuvres de commande et dont l’ordre des pistes de la version CD restait à peu près fidèle à celui de la performance publique. Ainsi, les compositions ne sont ici plus asservies par le format inhérent au spectacle présenté, ce qui laisse libre cours aux auteurs d’exposer leurs compositions telles qu’elles ont été conçues… encore que ce n’est pas aussi simple que ça.

Häxan consomme la divergence entre l’informatisation du groupe voulue par Gérard pour sa composition contemporaine, et la musique plus spontanée de Thierry qui cherche au contraire une rencontre entre électronique et acoustique. Les compositions de chacun des co-leaders sont plus que jamais opposées, tant sur la forme – elles occupent respectivement une extrémité du disque, et Gérard Hourbette livre un seul grand pavé là où Thierry ZABOÏTZEFF fournit un recueil de pièces de durées diverses – que sur le fond: Thierry se montre souvent espiègle, parfois même impétueux, quand Gérard est au contraire d’humeur lugubre. Une double tendance déjà présente sur des albums tels que Les Espaces Inquiets ou Marathonnerre mais qui trouve ici son paroxysme, quitte à donner l’impression de deux demi-albums solo regroupés au gré des circonstances sous le nom ART ZOYD. "Épreuves D’Acier" était d’ailleurs à l’origine une composition solo de Thierry ZABOÏTZEFF, commandée en 1995 pour l’exposition "Épreuves D’Acier – Fragments d’une Forge" du photographe Philippe Schlienger, et par la suite intégrée telle quelle au projet Häxan.

On peut tout de même affirmer que ART ZOYD revient avec Häxan dans une certaine mesure au modus operandi de Berlin (1987): des motifs musicaux qui s’assemblent, se superposent, se désassemblent pour former un tout. "Glissements Progressifs Du Plaisir" est la composition de Gérard Hourbette occupant la première moitié de ce disque. Cette pièce dure originellement une heure et demie mais seul un extrait d’une demie-heure apparaît ici. Un autre extrait de cette composition a été interprété par l’Orchestre National de Lille en 1998 dans le cadre du projet Dangereuses Visions initié par Gérard Hourbette.
L’extrait de trente minutes présenté ici est déjà magistral. La première moitié, vaste succession de nappes ("Ralentando", "Allez À Des Moines") et de polyrythmies ("Ubik" 1, 2, 3), expose les trois thèmes principaux: une suite de rythmes lents et obstinés sur un tintement implacablement répété, une séquence de quarante-deux double-croches puissament percussive, et une suite de trois accords de cordes électroniques sur laquelle viennent se greffer des samples de voix et de chant d’oiseau. Au centre de la pièce trône "Drama", une violente rupture où tous les repères sont balayés, amenant vers la seconde moitié, la plus impressionnante. "Allez À Des Moines", glauque comme rarement le Cinquième Art ne l’a été, avant qu’"Ubik 7", le final gargantuesque, ne vienne nous mettre à terre. Un déferlement de notes et de rythmes de plus de huit minutes qui détruit tout sur son passage.

"Glissements", ça me paraissait très bien parce que cette pièce ne glisse pas, "progressifs" parce que ça n’a rien de progressif, mais plutôt de cumulatif, et "du plaisir" parce que… Moi, je dis toujours que c’est un orgasme raté! (rires) C’est vraiment une plaisanterie. La musique doit garder son mystère. Les motivations profondes d’une pièce sont multiples et quelquefois contradictoires et j’adore trouver des titres qui me semblent très évidents au moment où je les trouve, alors que le lendemain, je ne me souviens absolument pas pourquoi je les ai choisis… Gérard Hourbette (*)

La partie de Thierry ZABOÏTZEFF est quant à elle partagée en six pièces bien distinctes, comme un album dans l’album. D’abord, trois pièces liminaires, chacune accompagnée de lettres grecques, formant un tryptique. L’urgente "Häxan Phi" expose une séquence ultra dynamique sur un fond sombre et délicat. "Häxan Psi" est de loin la pièce la plus acoustique du disque, avec le violoncelle, et surtout la voix de Thierry, étonnement calme et veloutée, presque dans un état de recueillement, s’éloignant de ses habituelles divagations rauques et caverneuses. "Häxan Ksi" est un bref thème de cordes qui fait office de transition.
Les deux autres pièces majeures de ce Häxan sont "Nuits" et "Épreuves d’Acier". Le premier est un genre de procession hypnotique et mécanique. Les cuivres hallucinés, les samples de lied, la basse se livrent à une course contre la montre qui se termine en complainte funèbre. "Épreuves D’Acier" est la plus longue des six pièces, semblable à "Nuits" dans sa structure mais plus ambitieux encore. Toujours un thème excentrique joué par les cuivres hallucinés et les séquences mécaniques, avant que ne s’ensuive, entre les minutes cinq à neuf, une des meilleures, des plus formidables montées en puissance jamais créées par le groupe, avant un climax dévastateur. Des bruits extérieurs apportent un supplément de vie à l’électronique minérale d’un des albums les plus crus du ART ZOYD post-Phase IV. L’album se termine sur une curieuse "Marche", une pièce unique dans la discographie d’ART ZOYD, proche des musiques de film modernes, qui forme une conclusion idéale, apaisée, consensuelle et émouvante.

Une autre prestation live de février 1996 enregistrée au Centre Européen de la Culture à Copenhague figure dans le coffret 44 ½ (2017). On y trouve donc les extraits disséminés des deux longues suites "Glissements Progressifs Du Plaisir" (sous les titres "La Chute Des Anges", "Compartiment 14-128", "Rêve Non Valide", Septima Du Centaure" que l’on retrouvera sur l’album suivant) et "Épreuves D’Acier", ainsi que des trois "Häxan" (sous les titres "Häxan" A, B et C), sans oublier "Nuits" et la "Marche" finale. Il nous est donné à entendre des enchaînements inédits qui offrent une toute autre perspective sur l’œuvre. Mieux encore, un certain "Häxan D", inédit d’excellente facture, s’est glissé au beau milieu de la tracklist. On y entend la voix rauque de Thierry sur des rythmes trépidants et la corne de brume du "Lac Des Signes" (1992), et une très brève reprise d’une séquence du triptyque "Io" (1985).

Il est malheureusement difficile à l’heure actuelle de se procurer cet album, que Gérard Hourbette n’a pas daigné rééditer. La raison est en fait assez simple: la version ici présente de "Glissements Progressifs du Plaisir" est en réalité le premier jet d’une composition plus ambitieuse encore, l’agencement des sous-parties est ici provisoire, certaines seront amenées à disparaître, d’autres seront étoffées. Gérard Hourbette a certainement manqué de temps pour réellement roder son œuvre face à l’imminence du projet de ciné-concert. Une seconde version se trouve sur l’album suivant, uBIQUe (2001), et sera à nouveau revue et corrigée pour une ultime édition en 2005. Thierry Zaboïtzeff a réédité "Épreuves d’Acier" sur sa page Bandcamp mais semble délaisser les cinq autres morceaux sous leur forme originale. C’est bien dommage, car Häxan est tout simplement le meilleur album d’ART ZOYD depuis Berlin.

4⅓ sur 5.

(*) https://rythmes-croises.org/art-zoyd-dangereuses-symphonies/?sfw=pass1706103797

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- Gérard Hourbette (claviers, programmation, violon)
- Thierry Zaboïtzeff (claviers, programmation, violoncelle, basse électr)
- Patricia Diallo (claviers, programmation)
- Daniel Denis (claviers, percussions électroniques)


1. Glissements Progressifs Du Plaisir
2. Nuits
3. Häxan Φ
4. Häxan Ξ
5. Häxan Ψ
6. Épreuves D'acier
7. Marche



             



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