Notre ami Lindsey BUCKINGHAM a bien fait d'insister, concernant cet album Gift of Screws, dont la parution suit d'environ dix années le moment de sa conception. Entretemps, il y a eu la tournée de réunion de FLEETWOOD MAC en 1996-97 où certaines chansons avaient été jouées en avant-première, puis plus rien ou presque, jusqu'à l'enregistrement de Say You Will en 2003, quand la Warner a décidé que plusieurs titres de Lindsay solo nourriraient l'album du groupe. Il en a lui-même repris ensuite pour son album acoustique Under the Skin en 2006. Au final, seulement trois chansons originales de la fin des années 90, "Wait For You", "Gift of Screws" et "The Right Place to Fade" donnent naissance au véritable album tant attendu, tel que BUCKINGHAM le voulait.

On retrouve toujours Mick Fleetwood et John McVie sur un couple de titres, comme lors du précédent effort. À côté de cela, Lindsey écrit une chanson sur une mélodie de son propre fils, Will, âgé de dix ans ("Great Day") et deux autres ("Did You Miss Me", "Love Runs Deeper") en compagnie de la maman de ce dernier, Kristen Messner devenue Mme Buckingham, photographe et décoratrice d'intérieur, souvent aidée elle-même par son mari musicien quand il veut exploiter autrement son sens de la composition. La première de leurs deux filles, Leelee, née en 2000, est devenue agent immobilier de nos jours, preuve que l'habitat tient de l'importance chez les Buckingham.

En matière de distinction, et qui plus est en famille, y compris FLEETWOOD MAC (pour profiter des années où tous s'entendaient de nouveau) et même pour un minimum d'idées, Gift of Screws apparaît tout simplement comme le meilleur disque de Lindsey en solo jusqu'alors. Des morceaux solo en acoustique, certes, on en trouve encore : "Bel Air Rain" avec son arpège en cascade ou le plus déroutant "Time Precious Time" (manifestement inspiré de la poétesse Emily Dickinson aussi bien que du cinéaste Terrence Malick), à l'ambiance répétitive mais florissante et magnifique.

Cependant, en incluant ces deux-là, on a affaire à l'album le plus équilibré de BUCKINGHAM quand il est seul maître aux commandes. Excellente, la manière dont il brode autour d'une ritournelle de son fils pour en tirer un "Great Day" tribal, où l'on reconnaît aisément l'auteur de "Tusk", avec de superbes réponses entre guitare acoustique en arpège tourbillonnant vers le bas et guitare électrique claire qui se réserve ensuite un petit solo aigu. Plus dérangé, "Gift of Screws", blues-rock avec vocaux en pagaille et la rythmique Fleetwood-McVie, est tout autant à son honneur.

Sur le même modèle, "Wait for You" est un titre killer que Lindsey parvient à étirer jusqu'à cinq minutes. On y retrouve, plus qu'ailleurs dans l'album, la tendance à une dynamique couplets calmes, voire sous-mixés, et refrains éclatants (avec quelques effets BEACH BOYS en prime, miam). La rythmique ainsi marquée (Fleetwood impérial), les éructations de BUCKINGHAM à la fin pendant le solo, c'est du petit lait.

En plus de cela, notre ami nous réserve quelques-une de ses plus belles ballades-bluettes, pop ou non, typiquement californiennes. Les deux qu'il écrit avec sa femme sont du meilleur goût, "Love Runs Deeper" en tête, avec son solo héroïque de fin et son retour excellent pour le chanteur qui aime se démultiplier à tisser lui-même des choeurs au féminin. On les retrouve ailleurs, sur la pop-folk "The Right Place to Fade", joliment léchée, solo countrysant et onomatopées.

"Underground" use d'un arpège qui rappelle un peu le "In Between Days" de The CURE. Auant à "Treason", jolie et épique à la fois, idéale pour terminer, son ambiance n'est pas sans rappeler le Bruce SPRINGSTEEN de Tunnel of Love, rien que dans les claviers. Gift of Screws dure dix minutes de moins que les albums précédents, et cela se ressent, pour une meilleure unité. Si vous n'avez qu'un seul album solo de Lindsey BUCKINGHAM à écouter, ne cherchez pas plus loin.

Note réelle : 4,5