Il faut toujours se méfier à la vue de ce qui semble être une longue suite musicale. Il y a des chances que ce ne soit qu’un collage ou un enchaînement de petites pièces plus ou moins cohérentes. Nous l’avons vu avec Heaven And Hell (1975) de VANGELIS, Tangram (1980) de TANGERINE DREAM, Re-Entry (1980) de WHITE NOISE ou encore "Images " (1975) de Henri ROGER.

Avec Voyage Vers L’Harmonie (dernier album du label Upon Tyne avant que ne lui succède Delphes Records), Luc MARIANNI coupe court aux longues improvisations des précédents albums et propose un véritable patchwork musical, guidé par quelques thèmes récurrents mais parfois dépareillé, d’où ma remarque à propos des suites. Quelques mots sur l’instrumentation : il s’agit à ce titre de loin du plus éclectique des albums de Luc MARIANNI, avec pas moins de neuf musiciens invités (dont Henri ROGER et André Viaud dont le rôle sera prépondérant par la suite) pour une douzaine d’instruments différents. Le résultat est versatile et, autant l’avouer de suite, pas des plus satisfaisants.

Si l’œuvre dans son ensemble est belle, certaines idées sont laissées en friche quand d’autres laissent un peu dubitatif. Il est ainsi dommage d’avoir ainsi délaissé la jolie mélodie nostalgique à l’harmonium en tout début d’album, "Brume Écossaise" (partie 5) ou encore le passage guitaristique en partie 9. À l’inverse, sur le long "Chant Des Elfes", des extraits de discours des partis Écologiste et Lutte Ouvrière sont faits matière sonore sur des leitmotivs de vibraphone et de boîte à rythmes sans grand intérêt, ce qu’il m’a toujours semblé dénoter avec le reste. "Souvenirs Brumeux D’Un Gardien De Phare", reliquat de ROCK CRITICS (on y retrouve Laurent Buvry et Jean-François PAPIN), trop déstructuré, me semble aussi en décalage avec le reste. Le thème principal du "Voyage Vers L’Harmonie" est égrenné tout au long du disque, et je trouve sa première occurrence (les parties 2 et 3) pour le moins bancale, avec cette ballade nonchalante, chantonnée de manière un peu caricaturale, perturbée par de nombreux sons extérieurs puis superposée à un orgue de barbarie – lequel sera pleinement audible avec la partie 4.

Certains passages sont quand même de toute beauté : l’enchaînement de "Un Été Sur La Plage" et "Brume Écossaise" où les collages sonores fonctionnent cette fois à merveille, ainsi que tout le début de la seconde face: la superbe reprise du thème principal avec "Thème Central" (partie 7) aux piano et synthétiseurs, la rythmique de la partie 8 qui renvoie aux passages bruitistes de D.G. Portrait ("Amsterdam" et "Dorian G. Portrait") et le splendide jeu de guitares de la partie 9. J’aime aussi le début du "Chant Des Elfes" à l’orgue, le passage à l’orgue de barbarie de la partie 4 (d’ailleurs brièvement passé à l’envers sur "Le Chant Des Elfes"), le montage de voix de la partie 11 et le "Final À L’Orgue D’Église" (partie 12).

Si l’album est très inégal, l’idée d’un voyage est bien là : on passe d’un univers musical à un autre, des grands espaces, des pièces chaleureuses, des lieux plus mystérieux. Il reste un potentiel mélodique énorme et quelques excellents passages ne demandant qu’à être développés.