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The CHURCH - Seance (1983)
Par PSYCHODIVER le 17 Mars 2024          Consultée 263 fois

Plus goth, tu meurs. Exit les schémas anatomiques et les ornithologues en armure. La pochette de ce troisième opus de THE CHURCH, à l'effigie d'une Yuki Onna qui aurait quitté ses étendues nipponnes enneigées pour élire domicile dans un couvent, pose le décor d'entrée de jeu. Seance est l'opus ténébreux de l'âge d'or de l'Église kilbeyienne. En attendant certaines des excursions glauques dans lesquelles se lanceront les Australiens durant la décennie 90.

C'est sans doute sous l'emprise de feuilles aux propriétés étonnantes que Steve Kilbey déclara peu après la publication du merveilleux The Blurred Crusade : "je suis sans conteste le plus grand songwriter de tous les temps". Toujours est-il que cette affirmation sans grande subtilité fit régner un climat de tension au sein du quatuor, chez Marty Willson Piper surtout. Ce dernier préfère largement la confidentialité au showbiz et craint que le début de carrière fulgurant du groupe ne s'achève par une Icare. Les réjouissances en Australie et, dans une moindre mesure, en Europe ne pouvaient faire oublier le quasi boycott que les US leur réservaient depuis la brouille avec Capitol, l'année précédente. Comment succéder à The Blurred Crusade? Comment se renouveler sans se trahir? Surtout, comment apporter un tant soit peu de crédit aux déclarations de Steve, le tout en étant attendu au tournant par une poignée de fans déjà dévoués et à la dévotion transcendant leur faible nombre? Les quatre de Sydney n'avaient pas droit à l'erreur. Et pour contourner tout écueil, ils se devaient de garder leur ligne directrice, tout en changeant quelque peu de décorum et d'ambiance, afin d'éviter toute redite. Complexifier l'écriture et se jeter corps et âme dans un courant qui, jusqu'alors, n'avait su happer que d'infortunés Anglais : la cold wave/gothique. Un genre qui pourtant n'a pas su envoûter les squatteurs de l'outback en dehors du ténébreux mais également inclassable Nick CAVE (et puis, entre nous, la cold wave australienne, c'est comme le reggae islandais ou le rap progressif : par essence? ça ne peut pas exister). Qu'à cela ne tienne. THE CHURCH en 1983 décide d'embrasser l'autre côté. À ses risques et périls.

Prudence. Seance est tout, sauf un disque facile à cerner. À l'instar de la lady in white en couverture, il a plus tendance à nous fuir à travers la brume, dans une forêt, en nous laissant tel un imbécile qu'à nous tendre la main. Seance se fait désirer et ne nous ouvre ses portes que dans des circonstances spécifiques. De préférence la nuit. Et lorsqu'une légère brume, voire un peu de pluie ou de neige, se mêle à la lueur d'une belle lune, garantissant quelques beaux effets bleutés.
Signe qui ne trompe pas, l'ouverture "Fly" aux accords nocturnes aussi simples que prenants, soulignés par des claviers phantasmagoriques assure un démarrage tout en retenue et en contemplation. Steve est encore une fois irréprochable en conteur psychédélique crépusculaire. Cette intro nous emmène loin, très loin, avant un atterrissage en beauté au travers d'une énergie curieusement positive sur le superbe et fédérateur "One Day", forgé dans le même métal noble que ses illustres prédécesseurs "Almost With You" et "Chrome Injury". Un grand moment de rock (avec un beau solo gorgé de feeling de Peter) tout sauf morbide et dont l'électricité héritée du punk se retrouve également sur le plus énervé, concis, mais tout aussi succulent "Dropping Names".
Autre étape hautement électrique, dans un registre nettement plus barbare, "Travel By Thought" qui réussit le tour-de-force de condenser l'hostilité tribale du KILLING JOKE de Fire Dances, le CURE infernal de "Splintered In Her Head" et le JOY DIVISION le plus sauvage (Richard démontre qu'il est bien le pendant australien de Stephen Morris), le tout sur fond de trip space façon aller sans retour vers nulle part (oui, c'est bien des bribes de "la Marseillaise" que vous entendez à un moment donné). Un OVNI, en guise d'unique moment de malaise afterpunk dark.
Les morceaux restants se distinguent par leur densité et leur aspect ouvragé, une recette qui leur confère une apparence monolithique derrière laquelle se cachent des puits d'émotions à la profondeur insondable, de "It's No Reason" aux allures de berceuse dénuée de la moindre mièvrerie au plus conquérant mais non moins subtil "Electric". Les inconditionnels de The Blurred Crusade sont en terrain connu à l'écoute d'un "Electric Lash" presque apaisant, en dépit de sa batterie un brin trop rigide comme d'un "Disappear" plus exigeant mais au bout du compte assez envoûtant.
"Now I Wonder Why" touche au sublime avec ses arrangements respirant le spleen nocturne et son harmonica fantomatique (tenu par Russell, le frère cadet de Steve) et inspiré par le grand David et sa "New Career In A New Town". Sans doute le morceau le plus à l'image du disque, avec en tête la merveilleuse conclusion qu'est "It Doesn't Change", épilogue onirique à souhait qui annonce certains climats cinématographiques à venir dans l'aventure discographique des Australiens. Impossible de rester de marbre à l'écoute de cette apothéose goth lumineuse au cours de laquelle la demoiselle de la pochette qui, jusqu'alors nous fuyait, nous accorde enfin une danse inoubliable sous la lune (pas encore sous la voie lactée, mais cela ne saurait tarder).

Que du bon en somme, pour un album relativement absent des listes consacrées aux opus incontournables du combo et peu estimé par ses artisans eux mêmes (du moins dans un premier temps). Son enregistrement épuisant voire conflictuel est pour beaucoup dans ce ressenti. Jusqu'alors infatigable, THE CHURCH compose sans cesse. Et si le choix des titres destinés à figurer sur Seance pose problème, sa production manque de provoquer la dissolution du quatuor. Confiée initialement à John Bee (ingénieur du son déjà présent en second rôle sur les deux œuvres précédentes des confesseurs de Sydney), elle finit par atterrir entre les mains de Nick 'MIDNIGHT OIL' Launay, traumatisé notoire des percussions martiales, pour ne pas dire inhumaines, des Flowers Of Romance de PIL. Launay, sans demander l'avis de Steve and co', remanie l'album et lui confère ce son puissant où les guitares sonnent plus saturées qu'autrefois et où la batterie se voit gorgée de reverbération. S'estimant trahi dans ses ambitions (changer de style : d'accord, changer de son : hors de question), le groupe déteste le disque, avant de petit à petit le réhabiliter. Et les fans célébrant Seance comme le meilleur travail de THE CHURCH sont bien plus nombreux que la réputation de l'album où sa discrétion sur les setlists des concerts le laisse supposer. En 1983, l'Église kilbeyienne ose et gagne à nouveau.
Prolongement logique de The Blurred Crusade, Seance s'impose comme un 33-tours de référence au sein de l'œuvre des Australiens comme de la décennie 80 et du genre gothique. Au même titre qu'un Unknown Pleasures précurseur, suivi d'un Pornography, In The Flat Field, Within The Realm Of a Dying Sun, God's Own Medicine ou Phantasmagoria, Seance a toutes les qualités requises pour satisfaire le moindre corbeau ouvert d'esprit, pour qui la noirceur et la plus pure lumière ne sont pas forcément incompatibles.

Toujours sous la coupe de Launay, le quatuor publie les morceaux exclus de Seance sous forme d'un E.P baptisé Persia, puis d'une compilation devenue légendaire auprès des fans : Remote Luxury, emmenée par l'immense autant que résolument cold et ombrageux "Constant In Opal". Par l'intermédiaire de cette compilation, le combo obtient un nouveau contrat outre-atlantique, cette fois-ci chez Warner Bros Records. Le début de la renommée internationale ?

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- Steve Kilbey (chant, basse, guitare, claviers)
- Peter Koppes (guitare, claviers)
- Marty Willson Piper (guitare)
- Richard Ploog (batterie, percussions)
- Russell Kilbey (harmonica)


1. Fly
2. One Day
3. Electric
4. It's No Reason
5. Travel By Thought
6. Disappear
7. Electric Lash
8. Now I Wonder Why
9. Dropping Names
10. It Doesn't Change



             



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