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The CHURCH - The Blurred Crusade (1982)
Par PSYCHODIVER le 19 Février 2024          Consultée 794 fois

La grande année 1982. La fin d'une époque bénie dont l'explosion punk de 1977 fut l'étincelle. Une période où créativité et audace pouvaient s'accorder avec succès public, tandis que des vieilles gloires accomplissaient autant de retours triomphaux et que des jeunots consacraient l'apparition de nouveaux sous genres. La suite de la décennie 80 sera bien plus discutable. Peu d'artistes, y compris des pointures, pourront échapper au rouleau compresseur matérialiste et superficiel qui plombera le rock au plus fort de 1985 à 1987.
Au sein de cette ère de surconsommation et d'aseptisation ayant eu raison du trio sacré guitare/basse/batterie, un groupe se distingue. Ce combo réussit le tour-de-force de traverser les années 80 sans commettre la moindre fausse note, signant au passage une quadrilogie de génie qui sauve à elle seule les dix années MTV/DX7 du naufrage total. Ce groupe, c'est THE CHURCH qui, en 1982, un an après ses débuts remarquables, via le très bon Of Skins and Heart, signe son chef-d'œuvre absolu, The Blurred Crusade et, par extension, inaugure une série d'albums grandioses jusqu'à la fin des 80's.

En l'espace de quelques mois, il s'en passe des choses du côté de l'Église du Père Steve Kilbey. La tournée promotionnelle de Of Skins and Heart bouclée, lui et ses prélats, Peter Koppes, Marty Willson Piper et le nouveau venu Richard Ploog, retournent en studio où ils travaillent d'arrache-pied jusqu'en mars 82. Bien résolus à mettre au point un son qui leur soit propre et enfin pouvoir matérialiser le temps d'un disque leur passion commune pour les 60's et 70's orientées espace et contrées du rêve accessibles uniquement par la consommation de plantes spécifiques. Bruce Clearmountain passe d'ingé son à producteur. Au bout du compte, The Blurred Crusade triomphe en Australie et en Europe. Carrère le valide sans problème, permettant au quatuor de se lancer dans une tournée sur le vieux continent. En revanche, Capitol le trouve peu radiophonique et exige du groupe qu'il transforme ses chansons. La réponse est immédiate : vous pouvez toujours vous gratter. Le combo néanmoins propose cinq nouvelles compositions qui, elles non plus, ne satisfont pas les huiles du label californien. La rupture entre l'Église et les costards cravates west coast est instantanée. Les cinq pistes trouvent refuge sur le premier E.P des Australiens, Sing-Songs, sorti plus tard la même année.
En ce qui concerne les concerts européens de l'époque, le résultat n'est guère mieux. Cantonné en première partie de DURAN DURAN, THE CHURCH jette l'éponge au bout de cinq dates, dégoûté par un public exécrable et tout sauf réceptif à sa musique. Il lui reste ses compatriotes enthousiastes de l'outback, l'honneur est sauf.

À la décharge des gus de Capitol comme de ces british bouffeurs de sucreries avariées, il est vrai que The Blurred Crusade initie un virage radical par rapport au post6punk de Of Skins and Heart. Ce second opus de THE CHURCH marque véritablement la naissance du combo tel qu'on le connaît aujourd'hui. Musiciens à l'accoutrement coloré en rupture manifeste avec la noirceur vestimentaire de l'époque, guitares cristallines en cascade (Marty venait d'acquérir sa fameuse Rickenbacker 12 cordes), quelques claviers savamment répartis et utilisés pour garantir une ambiance entre psychédélisme et paysages floydiens, batterie aux sonorités non bricolées (si Nick Ward ne décevait pas sur Of Skins and Heart, la frappe plus vive et sophistiquée de Richard Ploog, aussi à l'aise avec les cymbales qu'avec les peaux, est celle que le groupe attendait pour prendre son envol), paroles à la poésie absconse mais fascinante, entre rêveries space et mysticisme. Le tout porté par la voix de Steve qui trouve ici son timbre sans équivalent, suave, mature, légèrement grinçant, souvent chaleureux, toujours accrocheur, parfaitement adapté au feeling rock comme au spleen afterpunk. Même la superbe pochette (l'une des plus somptueuses à ma connaissance) avec des hommes en armures envoûtés par un bien bel oiseau, se distingue du tout venant de l'époque par son aspect pictural travaillé et ancré dans une autre époque.

La formule balaie tout sur son passage dès le premier morceau, "Almost With You". Comment trouver les mots justes pour décrire ce joyau ? Une mélodie enlevée et touchante, tout en arpèges à l'électricité permanente, rejointe par Steve sublimant chacune de ses lignes tout au long de quatre minutes de pur bonheur, sans négliger un solo acoustique à fleur de peau et son clip vidéo contenant tout l'univers du groupe : nature, mysticisme doux, goût prononcé pour l'onirisme et une imagerie à cheval entre l'ancien et le présent.
"Almost With You" ou la chanson qui referme le parcours de tout punk un brin romantique sur les bords tel que votre serviteur. On commence en douceur avec "Boys Don't Cry", on poursuit avec "Love Will Tear Us Apart" et on trouve enfin la paix intérieure avec "Almost With You". Comprenant au passage que son idéal féminin ne relève pas forcément de la fiction, que l'amour n'a pas vocation à provoquer la discorde et que, désolé Robert, les hommes peuvent pleurer. Pas seulement la chanson définitive de THE CHURCH, la meilleure chanson des années 80, par ailleurs bien placée dans mon Top 10 des plus grands morceaux de tous les temps.
Pas le temps de laisser le fer refroidir, "When You Were Mine" débarque et met tous les auditeurs d'accord. THE CHURCH est un groupe de rock et ne fait pas semblant. L'héritage du punk et de la scène héroïque se retrouve condensé dans un brûlot que JOY DIVISION et PIL auraient pu se disputer. Une leçon fabuleuse de riffs et d'alternance épique/rêveur.
En parlant de rêve, les Australiens se prennent pour Randolph Carter le temps d'un "Field Of Mars" majestueux où cette fois-ci Marty assure le chant. La montée en puissance et les textes dignes des plus belles évasions spatiales d'HAWKWIND garantissent le voyage. L'ADN punk réapparaît sur "An Interlude", malgré une amorce trompeuse, et en particulier sur "A Fire Burns", celui dont la filiation avec les bombinettes de Of Skins and Heart est la plus marquée. Cette énergie très orientée 77 se retrouve en zestes sur "You Took", morceau de bravoure progressif épique, cette fois-ci doté d'une construction minutieuse et prenante qui ne faiblit pas de la première à la dernière note, corrigeant ainsi l'une des quelques faiblesses du premier volet discographique de l'Église.
"To Be In Your Eyes" matérialise la pop song kilbeyienne parfaite, à des années lumière de la facilité exigée par la bande fm. Les CRANBERRIES et les CURE de "Friday I'm In Love" pourront remercier Steve et sa troupe pour "Just For You", tant ce titre rassemble tous les ingrédients incontournables dont feront usage les icônes alternatives des 90's. Quant à "Secret Corners" (cette petite merveille d'émotions pures) et "Don't Look Back" (à qui revient le rôle de piste conclusive décomplexée) leurs brèves durées idéales complètent un tableau de maître déjà fort somptueux.

The Blurred Crusade est un chef-d'œuvre, une malle aux trésors que les années ont assignée à une sorte de clandestinité salvatrice ayant préservé ses joyaux des affres de la médiatisation comme d'un héritage peu fameux. Au côté de The Dreaming de Kate BUSH (rude concurrence entre les deux pour le titre de masterpiece 80's ultime), Pornography des CURE et Security de Peter GABRIEL, ce deuxième album de THE CHURCH s'impose comme l'une des réussites incontestables et incontournables de 1982 comme de la décennie 80 dans son intégralité. Steve and co', désormais en dotation d'un univers bien à eux, s'engageaient alors sur un chemin pavé d'excellents disques. Ils ne feront néanmoins qu'effleurer la splendeur et la vivacité de cette extraordinaire croisade floue.

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- Steve Kilbey (chant, basse, guitares, claviers)
- Peter Koppes (guitare, claviers)
- Marty Willson Piper (chant, guitares)
- Richard Ploog (batterie)


1. Almost With You
2. When You Were Mine
3. Field Of Mars
4. An Interlude
5. Secret Corners
6. Just For You
7. A Fire Burns
8. To Be In Your Eyes
9. You Took
10. Don't Look Back



             



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