Cette photo de pochette prête franchement à rire. Vous imaginez la jeunesse triomphante de 1964, celle qui découvre les BEATLES ou les KINKS, se prendre de passion pour le hot rod rock pratiqué par notre bon Dick DALE? Franchement non. Pourtant, c’est lui qui lance la mode à laquelle vont se référer les BEACH BOYS, ce n’est pas rien ! Sacré Dick ! Il y croit du comme fer, d’ailleurs sa guitare ne change pas d’un iota, toujours au centre des débats ! Regardez son air sérieux au volant de sa bagnole de course ! C’est son 4ème album, le second sous le signe du hot rod.

C’est comme pour le précédent opus, la moitié des titres sont de Dick avec une forte chance pour que se soit des instrumentaux survitaminés. Il en est de "Mr Eliminator" qui sonne drôlement fort en cette année 64. Bien sûr, le son de la guitare n’est pas encore distorsioné ,mais l’esprit est là. Cette batterie trépidante, ces choeurs aériens et cette gratte intenable, c’est l’orée du hard-rock. Le riff est presque figé sur "Firing Up" mais Dick s’en fiche. Il se lâche sur des solos à répétition qui enterrent toute la concurrence d’alors. "Nitro Fuel" est prétexte à une débauche de solos assez extrêmes pour l’époque, j’y sens l’influence de Eddie COCHRAN.

"Flashing Eyes" ressemble trait pour trait aux instrumentaux alors pratiqués par les VENTURES, soit les grands spécialistes de la question. Ce n’est pas super original mais il faut bien faire progresser la musique populaire ! "Taco Wago" reprend des thèmes que je dirais italien, comme si la guitare souhaitait roucouler. Enfin, on retrouve la propension de Dick à chourrer les grands standards de la musique populaire libanaise et à lui appliquer un rude traitement américain. Cela nous donne "The Victor" et c’est comme pour "Misirlou" ou "Hava Naguila" superbement efficace, et la gratte est nucléaire comme il se doit.

Gary Usher est donc toujours derrière le micro pour des chansons, ça débute avec "50 Miles To Go" qui doit pas mal aux EVERLY pour sa sympathique rythmique de guitare. Nous revenons à toute vitesse - hey c’est du hot rod rock ! - vers le doowop avec "The Squirrel" et ses choeurs gentillets. "Blond In The 406" est un doo wop rapide avec des harmonies qui rappellent Frankie AVALON et FABIAN. "My X-KE" est une ode aux engins de vitesse, nous vibrons dans l’intellectualisme le plus 'débridé' qui soit donc, mais elle est franchement sympa.

"Hot Rod Alley" se signale par sa dynamique, des doowop certes mais avec une belle énergie. On n'est pas si loin de ce que feront les STRAY CATS deux générations plus tard lors du revival rockabilly. "Wild Wild Mustang" profite d’un solo d’orgue et présente quelques aspects plus modernes, un rythme vraiment agréable et de superbes harmonies une réussite de rock’n’roll tardif, la meilleure du lot. On croirait "Wild Ideas" une compo de Chuck BERRY, un peu monolithique.

J’allais dire 'rien de révolutionnaire' mais tout de même si ! Cette manière qu’a Dick de triturer sa gratte est très spéciale. On ne lui décerne pas la palme de la technique puisque certains guitaristes de jazz ont déjà fait la preuve de leurs capacités comme Barney KESSEL ou Herb ELLIS, sans évoquer Chet ATKINS déjà plus présent que jamais. Mais en terme d’agressivité et de son, notre bon Dick pose des jalons que nombreux de guitaristes en herbe vont vouloir émuler. Je reste sur un 3 mais cet opus est meilleur que le précédent.