Voici quelques années que, installée en Islande où elle gère un studio d'enregistrement avec son époux, Marketa IRGLOVA semble s'être accordée une totale liberté artistique. Si l'album Lila, publié en 2022, concrétisait le souhait de proposer un format d'expression "classique", les nombreux morceaux "one-shot" diffusés par la chanteuse au format single depuis 2020 nous ont permis de découvrir une artiste audacieuse et affirmée, n'hésitant pas à proposer des morceaux-fleuves de plus de 10 minutes, tout comme des sucreries pop/folk plus succinctes, composées pour être présentées au concours Eurovision. Un grand écart rendu possible par cette belle authenticité et une pureté enivrante qui se dégage de chacune des notes proposées par l'artiste tchèque.

"Spirit is Here Too" est une nouvelle corde à l'arc de Marketa IRGLOVA, puisque ce titre fraîchement composé marque une collaboration inédite entre la chanteuse et un orchestre, en l'occurrence le philarmonique Jihočeská Filharmonie basé à České Budějovice, petite ville située dans le sud de la Tchéquie. Ce nouvel EP présente "Spirit Is Here Too" dans trois versions différentes : une première interprétée en anglais, une deuxième en tchèque (sur une traduction réalisée par Marketa IRGLOVA elle-même) et une troisième version purement instrumentale qui permet de prendre l'ampleur de la beauté et de la richesse mélodique de ce morceau.

Il y a dans ce titre humaniste tout ce qui fait la beauté de l'univers musical de l'artiste, et plus encore. En effet, à cette tendresse poétique, tout en retenue, que nous connaissions déjà s'ajoute l'affirmation d'une puissance vocale que l'on sent de plus en plus revendiquée. Marketa peut donner de la voix, et elle ne se gêne pas de le faire dans cet environnement orchestral qui constitue le terrain de jeu parfait pour proposer des moments de grandiloquence vocale. Le morceau se fait tour à tour timide puis théâtral, porté par une ferveur et une puissance dont la beauté nous transporte. Il y a une universalité qui transpire de chacune de ces notes qui implorent la paix dans un monde polarisé, où l'humain est plus que jamais déconnecté de son humanité. Les gens allument des bougies, se rassemblent dans les rues, s'élèvent contre la violence, défilent pour la paix. Mais il y a quelque chose dans l'eau, quelque chose dans l'air, quelque chose dans la terre, quelque chose dans les yeux des gens, dans leur esprit, quelque chose qui flanche et, d'un coup, le brasier intérieur devient un feu nourri. Voici ce qu'évoquent les paroles et les sonorités de ce morceau, qui porte par moments ou couleur slave qui se marie parfaitement avec le timbre de voix de Marketa.

Il y a quelque chose de puissant et d'éthéré qui se dégage de ces mélodies qui prennent le temps de se déployer et d'évoquer. Comme un grain de sable qui, couplé à ses semblables peut devenir une dune dévastatrice, Marketa IRGLOVA créé de grandes choses, dont le climax, l'analogie sablonneuse n'est pas anodine, se fait particulièrement cinématographique et génère des images de films tels que Lawrence d'Arabie. A chacun d'y trouver son sens, mais ce manifeste pacifiste d'une artiste singulière est un moment à la fois solennel et intense qui résonne avec force et violence. Nous avons besoin d'eau, comme nous avons besoin d'un abri, d'air pur pour respirer, besoin que l'humanité se rassemble pour qu'enfin, que l'histoire cesse de répéter. Et nous avons besoin que des morceaux tels que celui-ci montent jusqu'aux oreilles des belligérants éternels.