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Loreena MCKENNITT - The Road Back Home (2024)
Par AIGLE BLANC le 29 Août 2024          Consultée 454 fois

Mais qu'arrive-t-il à la grande artiste qu'est Loreena McKENNITT? Après une première partie de carrière merveilleuse, de Elemental (1985) à The Book of Secrets (1997), la compositrice-interprète canadienne ne nous adresse plus que des albums mi-figue mi-raisin. Pourquoi, après l'avoir tant admirée, me suis-je mis peu à peu à prendre de la distance avec sa discographie?
Un premier élément de réponse pourrait venir du fait que la chanteuse a délaissé, ces dernières années, la composition, art dans lequel il lui a fallu du temps pour oser s'affirmer (vraiment à partir de The Visit 1987), après une série d'albums de reprises d'airs traditionnels celtiques, et où elle a révélé selon moi de superbes dispositions, davantage que dans le chant. Loreena n'est pas une mauvaise chanteuse, mais à l'écoute de ses dix albums studio et de ses nombreux live, force est de reconnaître que son organe vocal, doté d'un timbre magnifique et d'un coffre très appréciable, manque quelque peu de modulation. Cela ne pose pas de problème quand l'artiste interprète ses propres compositions car elle adapte spontanément ses chansons à ses propres capacités et style vocal. Mais quand elle s'illustre dans l'art de la reprise de chansons et d'airs traditionnels, d'autant plus quand elle puise dans le riche répertoire celtique, lui fait défaut alors la modulation exceptionnelle dont se montrent capables notamment les interprètes irlando-écossaises. Jamais Loreena McKENNITT n'atteint la profondeur émotionnelle des chants de Maire Brennan (CLANNAD) de Karen Matheson (CAPERCAILLIE) ou de Sinead O'CONNOR, pour ne citer que quelques chanteuses spécialistes du répertoire auquel Loreena voue une authentique admiration.
Quand elle publie avec sa propre boîte de production QR (Quinland Road) les albums A Midwinter Night's Dream (2008), The Wind That Shakes the Barley (2010) ou Troubadours On the Rhine (2012) composés essentiellement de reprises-hommage à la culture qu'elle aime, il me semble qu'elle commet une erreur artistique. Certes, la Canadienne demeure une artiste libre et très attachante, intégrité qu'elle doit au fait qu'elle produit tous ses disques. Mais si cela est digne d'éloge par principe, dans son cas, cette liberté se retourne artistiquement contre elle.
Doit-on croire que l'artiste a perdu l'inspiration? C'est fort possible, ce dont semble témoigner la majestueuse compilation The Journey So Far -The Best of Loreena McKennitt parue en 2013 et qui, comme un aveu tacite, ne contient quasiment que des titres issus de ses albums Elemental, The Visit, The Mask and Mirrors, The Book of Secrets, An Ancient Muse, soit des opus dont le plus récent (An Ancient Muse) ne dépasse pas l'année 2006. Cela fait maintenant près de 20 ans que Loreena malheureusement se repose sur ses lauriers, son travail consistant davantage à maintenir un degré décent de visibilité de son patrimoine artistique (ce qu'elle réussit remarquablement) qu'à enrichir sa créativité.

Un album plus récent, Lost Souls (2018) la voyait enfin proposer du matériel inédit, un retour à la composition ma foi bienvenu, un véritable album studio et non plus un enregistrement live comme elle nous en a abreuvé ces dernières années. Hélas, encore une fois, pas plus que ses disques de reprises ou ses live, celui-ci ne suscitait de vibrations.
La sortie de The Road Back Home (2024), objet de ladite chronique, prolonge irrémédiablement la vague des déceptions. Le grief le plus aigu de cet opus réside dans la malhonnêteté de l'argument de vente, si je puis dire. En effet, contrairement à ce que promettent la belle pochette du peintre Barrie Maguire (un typique paysage irlandais) et l'absence totale (au verso comme au recto) de toute mention concernant les sources des chansons rassemblées ici, cet opus n'est pas un nouvel album studio et les dix titres qui le composent nullement l'oeuvre de Loreena McKENNITT. Comme l'indique le livret à l'intérieur du vinyl ou du CD, il s'agit en réalité de deux enregistrements live canadiens, l'un daté du 12 août 2023 lors du Festival 'Goderich Celtic Roots' de l'Ontario, l'autre du 18 août 2023 lors des Festivals Summerfolk Music et Crafts toujours de l'Ontario. Pourquoi avoir dissimulé la nature de ce disque à l'auditeur, si ce n'est pour lui faire croire que c'est un nouvel album studio? Etant donné la main-mise de Loreena sur sa discographie, j'ai peine à croire qu'elle ne porte aucune responsabilité dans cette 'tromperie' silencieuse.
La chanteuse canadienne participe à des festivals et c'est tout à son honneur. Son humilité lui fait adopter un programme constitué intégralement d'airs traditionnels dont elle se charge des arrangements selon le style qui lui est propre, en y incluant sa harpe, son accordéon, le violoncelle de sa fidèle collaboratrice de concert Caroline Lavelle et en se faisant accompagner du groupe celtique local The Bookends qui signe même quelques arrangements.
Comme à son habitude, l'artiste soigne le livret sur lequel elle s'épanche pour faire comprendre le contexte ayant présidé au programme de ces performances scéniques. Trop peu d'artistes le font, alors que cela peut aider l'auditeur à cerner le climat artistique, humain et géographique de l'enregistrement. Elle y explique que ces airs traditionnels sont les premiers qui l'ont fait rêver, et probablement ont favorisé l'éclosion de sa fascination pour la musique et la culture celtiques. Ils la renvoient à sa jeunesse dans les années 70, aux festivals celtiques auxquels elle assistait à Winnipeg, aux artistes qu'elle y a découverts parmi lesquels elle cite PLANXTY, STEELEYE SPAN, Alan STIVELL. Qu'elle ait ressenti l'appel de faire revivre cette époque fondatrice de sa vie en rejouant ces airs tant chéris, quoi de plus légitime et beau, me direz-vous? Mais qu'elle se fasse plaisir en revenant, le temps de quelques festivals canadiens, à ses racines musicales nous rappelle également que la dame n'en est pas à son premier coup d'essai : déjà, son album The Wind That Shakes The Barley affichait les mêmes désir et besoin de célébrer ses premières amours celtiques. L'auditeur n'est pas obligé de partager son plaisir, même animé de la meilleure empathie qui soit. Encore faut-il que la musique interprétée soit peu ou prou au-dessus du lot et que son exécution lui apporte une touche unique qui la rende intemporelle, du moins marquée d'une forte identité.
Et The Road Back Home ne contient aucune de ces qualités qui inscrivent durablement un disque dans les mémoires. Le problème ne provient pas vraiment des airs traditionnels que Loreena reprend accompagnée du groupe The Bookends, quoique chacun ne soit pas forcément très marquant, mais principalement de la version insignifiante qui en est ici proposée. Cela ne signifie nullement que les musiciens soient mauvais ni qu'ils livrent une contre-performance. En réalité, leur prestation ne dépasse pas le stade du 'correct' et de 'l'application'. Au vu du programme, c'est quand les musiciens lâchent un peu la bride qu'ils se montrent les plus convaincants, notamment à travers deux titres plus enlevés que les autres, "As I roved Out" et "Custom Gao", où le rythme en s'accélérant révèle une bonne osmose du groupe. En revanche, quand les chansons se veulent plus introspectives, nécessitant mesure et douceur, alors tout devient banal et soporifique, voire nous place dans la position inconfortable de surprendre les musiciens en flagrant délit d'indifférence, comme s'ils n'étaient qu'à demi concernés par ce qu'ils interprètent, impression tenace qui concerne tous les autres titres malheureusement.

The Road Back Home n'est pas un disque désagréable, mais il ne laisse aucune trace dans l'esprit, ce qui est un comble quand on veut rendre hommage au patrimoine musical celtique et en perpétuer la mémoire.
Je suis conscient que la note peut paraître très sévère, elle est seulement à la hauteur de ma déception. Je me souviens encore d'une époque où j'accueillais avec enthousiasme chaque album de Loreena McKENNITT, une époque où sa quête géographique des traces qu'avaient laissées les Celtes dans plusieurs pays avait ouvert sa musique à des saveurs euro-orientales de toute beauté. L'artiste transcendée par ses découvertes devenait 'ambassadrice du monde', rôle qui lui seyait à merveille.

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   AIGLE BLANC

 
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- Loreena Mckennitt (chant, harpe, accordéon)
- Caroline Lavelle (violoncelle,choeurs)
- Miriam Fisher (accordéon, piano, choeurs)
- Errol Fisher (violon, mandoline, banjo)
- Cait Watson (flûte, choeurs)
- Pete Watson (guitare, choeurs)
- Romano Dinillo (bodhran)
- James Keelaghan (chant - titre 10)


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