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Loreena MCKENNITT - Lost Souls (2018)
Par AIGLE BLANC le 31 Août 2018          Consultée 1720 fois

Nous autres auditeurs avons tendance à penser la carrière musicale d'un artiste en terme de programme comme si chacun des albums de sa discographie déroulait un plan pré-établi calqué sur nos attentes et nos désirs. Or, les vrais artistes, et Loreena MCKENNITT en est une assurément, ne sont pas ceux qui suivent les désiderata de leur public mais au contraire ceux que le public accompagne au cours de leur voyage.
Si la vie est un voyage, la discographie de Loreena est le média par lequel se construit ledit voyage. L'auteure-compositrice-interprète et chanteuse canadienne incarne mieux que quiconque l'esprit de l'artiste du Monde. Non seulement en effet sa musique s'inscrit dans le courant de la World Music, et plus précisément dans la mouvance celtique, mais de plus Loreena demeure avant tout une citoyenne du monde qui défend et protège par ses actions humanitaires et civiques les droits fondamentaux de l'être humain parmi lesquels notamment le respect de la vie privée et le droit d'expression propre à toute démocratie digne de ce nom.
Son voyage a réellement débuté, explique-t-elle, quand elle a pris conscience de ses origines irlandaise et écossaise, alors qu'elle est née à Morden, près de Winnipeg, dans la province de Manitoba au Canada. Et le chemin musical qu'elle trace depuis ses débuts a été initié par sa découverte de l'histoire des Celtes ayant ouvert son esprit à la culture des pays que ce peuple a traversés. Sur les traces des Celtes, sa musique s'est enrichie de sonorités traditionnelles orientales avec l'apport d'instruments comme le bouzouki, le oud et les tablas, et des mythes issus de ces cultures traversées. La musique de Loreena se veut le témoignage de ce qui relie les peuples et les pays. Intrinsèquement inclusive, et non exclusive comme c'est le cas de certaines musiques auto-centrées sur elles-mêmes pour défendre leurs traditions locales, elle projette au-delà des nationalités et des communautarismes sa lumière bienveillante à l'humanité.
Loreena compte parmi les artistes rassembleurs dont l'humilité n'a d'égale que la beauté du voyage entrepris aux sources de ses racines. Sa notoriété la hisse au sommet de la reconnaissance mondiale dont témoignent ses nombreux titres honorifiques : colonel honoraire de l'aviation royale canadienne depuis 2014, docteur honoris causa es Lettres de l'université Wilfrid Laurier de Waterloo en Ontario depuis 2002, décorée de l'Ordre du Manitoba en 2003, puis de l'Ordre du Canada en 2004 pour ses nombreuses actions en faveur d'une patrie meilleure. François Hollande la décore de l'Ordre de Chevalier des Arts et des Lettres en 2013. Elle créé en 1998 la Fondation Cook-Rees, en hommage à ses amis disparus en mer, parmi lesquels son fiancé, qui promeut et promulgue des cours de sauvetage et de sécurité nautique. En acquérant une ancienne école de l'Ontario, elle fonde le Falstaff Family Center à Stratford qui oeuvre en faveur entre autres des enfants et des communautés.

Notons que sa carrière prend réellement son envol en 1991 à partir du 4ème album The Visit, au moment où, justement, les recherches entreprises sur ses origines celtiques lui ouvrent le champ géo-historique des autres cultures qu'ont nourries les flux migratoires des Celtes. C'est ainsi que The Visit plantait le cadre dans lequel sa musique allait évoluer, en partant des airs traditionnels celtiques, auxquels l'a initiée Alan STIVELL, pour s'ouvrir et s'enrichir aux couleurs exotiques ramenées de ses pèlerinages en Amérique du sud, au Maghreb et en Espagne. Depuis The Visit, Loreena McKennitt intègre des compositions personnelles dont les textes traduisent les valeurs humanistes qu'elle défend à travers son art. La trilogie The Visit / The Mask and Mirror / The Book of Secrets concentre au plus haut degré les qualités essentielles de son art, magnifiées par des musiciens constituant aujourd'hui sa famille, et que notre ami Ameforgee nomme à juste titre sa 'période dorée'.

Lost Souls, sa 9ème offrande studio, contient tous les ingrédients propres à satisfaire les amateurs de la dame, à commencer par ses amis musiciens qui impriment l'habituelle couleur acoustique depuis The visit : Brian Hughes aux guitares et bouzouki, Caroline Lavelle au violoncelle, Hugh Marsh au violon, Sokratis Sinopoulos à la lyre et, bien sûr, la maîtresse de cérémonie qui officie comme toujours à la harpe, aux claviers-piano et à l'accordéon. On y retrouve aussi l'alchimie si particulière de ses albums où se mêlent airs traditionnels "Manx Ayre" et compositions personnelles de "La trobairitz" (femme-troubadour). C'est sur ce dernier point que Lost Souls se distingue de ses prédécesseurs, en livrant pas moins de 8 compositions de Loreena. De même, si l'on excepte "The Ballade of the Fox Hunter" et "La Belle Dame Sans Merci", oeuvres respectives des poètes anglais W. B. Yeats et John Keats, tous les textes sont signés de la Canadienne.
Certains titres d'ailleurs tels "Spanish Guitars and Night Plazas" et "A Hundred Wishes" datent des sessions de The Visit. "The Ballad of the Fox Hunter" quant à lui est contemporain de l'album Parallel Dreams, "La Belle Dame Sans Merci" remontant à l'époque de "An Ancient Muse". Ces chansons orphelines, qui n'avaient pas trouvé leur foyer dans les opus précédents, retrouvent enfin leurs voix dans ce nouvel album dont elles justifient le titre : ce sont elles en effet les "Lost Souls" dont il est ici question. Loreena à travers ces dernières témoigne d'une confiance en son art qui lui donne le courage d'assumer enfin ses propres textes et mélodies au point qu'ils forment pour la première fois l'ossature du disque.

Malheureusement, Lost Souls n'échappe toujours pas au piège dans lequel est tombée la discographie de la Canadienne depuis An Ancient Muse. Au-delà du bon goût affirmé de la dame, qui sait s'entourer de musiciens non seulement compétents mais aussi talentueux, et de la profondeur des thèmes abordés, servis par des textes subtils jamais nombrilistes, mais au contraire respirant la générosité et une sensibilité que n'a pas rongées la notoriété, force est de constater que ses disques souffrent toujours d'une monotonie certaine, par l'absence de surprises générées (rien ne ressemble plus à un album de Loreena qu'un autre album de MCKENNITT), par leur propension à privilégier les ballades ("A Hundred Wishes", "The Ballad of Fox Hunter", "La Belle Dame Sans Merci"), certes belles et dignes, mais surtout prévisibles et vaguement soporifiques, donnant l'impression que l'artiste se laisse aller à la facilité en suivant une formule bien rodée, au détriment des titres mid ou up tempo ("Spanish Guitars and Night Plazas", "Sun, Moon and Stars") dans lesquels pourtant elle a prouvé qu'elle excellait particulièrement. On souhaiterait parfois qu'une chanson ou deux fassent souffler un vent païen et de folie au sein d'un programme surplombé de bons sentiments, comme autrefois dans "Huron 'Beltane' Fire Dance" (Parallel Dreams), que les percussions s'emballent comme dans les superbes "Marrakesh Night Market" ou "Santiago" de jadis (The Mask and Mirror), ou alors que l'inspiration humaniste de la chanteuse lui fasse retrouver le romantisme poétique et envoûtant de "Breaking the Silence" et de "The Old Ways".
Aucune faute de goût ici encore une fois n'est à déplorer, conformément à l'ensemble de sa discographie. Par instants même, l'immense talent de Loreena transparaît au détour d'une mélodie sautillante magnifiquement interprétée ("Ages Past, Ages Hence"), d'un instrumental orientalisant ("Sun, Moon and Stars") où brillent bouzouki, violon et percussions, ou de la fort belle ballade finale "Lost Souls" qui retrouve les accents recueillis de "Prospero's Speech et "Dante's Prayer". Mais cela ne suffit pas à égaler les chef-d'oeuvre des années 90.

Madame MCKENNITT, votre musique toujours belle et racée a perdu ce qui la rendait si fascinante autrefois : le sentiment d'urgence.

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   AIGLE BLANC

 
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- Loreena Mckennitt (chant, harpe, piano, claviers, accordéon)
- Brian Hughes (guitares, bouzouki, synthétiseur)
- Caroline Lavelle (violoncelle, flûte à bec)
- Hugh Marsh (violon)
- Dudley Phillips (basses électrique et acoustique)
- Robert Brian (batterie, percussions)
- Tal Bergman (batterie, percussions)
- Rick Lazar (percussions)
- Hossam Ramzy (percussions)
- Daniel Casares (guitare flamenco)
- Liguel Ortiz Ruvira (percussions flamenco)
- Ana Alcaide (nickelharpa)
- Ian Harper (cornemuse écossaise)
- Sokratis Sinopoulos (lyre)
- Chorale De Stratford
- Canadian Forces Central Band


1. Spanish Guitars And Night Plazas
2. A Hundred Wishes
3. Ages Past, Ages Hence
4. The Ballad Of The Fox Hunter
5. Manx Ayre
6. La Belle Dame Sans Merci
7. Sun, Moon And Stars
8. Breaking Of The Sword
9. Lost Souls



             



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