Il y a d'abord le choix des couleurs, vert, jaune, rouge, bleu, qui rappelle sans équivoque la pochette de l'album Strangers in The Night d'UFO. Ce clin d'œil suffit à lui-seul à poser le contexte de cette nouvelle sortie estampillée Michael SCHENKER. Le titre vient confirmer cette impression : My Years With UFO, et en complément "50th Anniversary Celebration". Le cadet de la fratrie Schenker semble désireux de célébrer ses jeunes années passées au sein de la formation britannique. La date est opportune : en effet, si le Mad Axeman a rejoint Phil Mogg et ses camarades en 1972, c'est bien en 1974, il y a 50 ans tout juste, qu'ils ont ensemble publié l'album Phenomenon, pierre fondatrice d'une épopée pleine de rebondissements, de joies, de déceptions, de violence, d'accomplissements et de rancœurs, qui allait s'achever en 1978 avec un premier départ du virtuose de la six-cordes.

Alors que Michael SCHENKER va prochainement fêter ses 70 ans (et près de 60 années passées avec une guitare greffée dans les mains), le guitariste semble particulièrement actif et cette sortie aux allures de coup d'œil dans le rétroviseur a de quoi surprendre. En effet, outre l'album dont il est question dans cette chronique, le guitariste s'est enfermé en studio en juin dernier et a enregistré rien de moins que deux albums supplémentaires, prévus pour 2025 et 2026 : un nouvel album du MSG, sur lequel le chant va être assuré par Robin McAuley et Erik Grönwall, produit par Michael Voss, et un nouvel album solo, au départ conçu comme un album instrumental, qui va finalement être constitué de titres chantés par le même Michael Voss.

Chaque chose en son temps : My Years With UFO voit Michael SCHENKER extraire 11 morceaux de son répertoire UFO enregistré entre 1972 et 1978, revisités en compagnie d'une palanquée d'invités prestigieux. Autour d'un noyau dur constitué de Derek Sherinian au clavier, de Brian Tichy à la batterie et de Barry Sparks à la basse, nombreux sont ceux qui ont répondu à l'appel (voir la tracklist). La démarche est surprenante, car le guitariste a toujours prétendu ne pas aimer regarder dans le rétroviseur. S'il a toujours eu à cœur de mettre en valeur son répertoire UFO en concert, il l'a très rarement revisité en studio, se contentant de reprendre le classique "Doctor Doctor" sur l'album de reprises Heavy Hitters, réintreprétant ce même "Doctor Doctor" et "Lights Out" sur l'album Walk on Water d'UFO en 1995. Peut-être parce que, il le sait bien, ce genre d'entreprise n'apporte jamais rien de bon.

Tous les morceaux ici sélectionnés figurent sur le live Strangers in the Night. Soit cet album contient, aux yeux de SCHENKER, l'essence-même de sa période UFO, soit le guitariste n'a pas jugé bon de revisiter certaines pépites telles que "Time on my Hands", "Try Me", ou "Lookin Out For N° 1". Dommage, voici qui aurait donné un peu de piquant à cette tracklist très convenue. Produit à quatre mains par le guitariste et son acolyte Michael Voss, l'album vaut donc, surtout, par la richesse des invités plus que par l'intérêt de l'interprétation. En effet, SCHENKER est resté particulièrement fidèle à l'esprit initial des morceaux, ne s'éloignant des versions d'origine que rarement (quelques licks sur la partie instrumentale de "Rock Bottom", c'est à peu près tout), laissant le champ libre à ses camarades pour tenter d'apposer leur marque. Une rude tâche, surtout pour les chanteurs, les lignes vocales de Phil Mogg étant difficilement imitables.

Ce genre d'exercice nous donne, comme toujours, à boire et à manger, même si le pedigree des intervenants nous offre la garantie d'un certain standing. Il n'y a guère que ce pauvre Stephen Pearcy (RATT), complètement à la ramasse sur "Shoot Shoot", qui nous offre une véritable déception. L'album est, naturellement, porté par un certain nombre de têtes de gondoles, à commencer par Axl Rose (GUNS'N'ROSES), qui œuvre avec sa voix au papier de verre sur la puissante ballade "Love to Love". La voix du chanteur semble particulièrement compressée, mais elle s'insère fort bien dans ce morceau théâtral qui lui ressemble. Le chanteur avait également enregistré deux morceaux supplémentaires, "Natural Thing" et "Only You Can Rock Me", avant de se rétracter et de ne donner finalement son autorisation que pour ce titre, qui bénéficie il est vrai de sa présence. On retrouve son acolyte Slash sur "Mother Mary", dans une version très sage qui n'apporte aucun regard neuf à ce morceau issu de l'album Force It, malgré la présence du chanteur Erik Grönwall.

Allez, cherchons le positif. "Only You Can Rock Me" est une bonne surprise. Aux affaire, Roger Glover, bassiste de DEEP PURPLE (et par ailleurs producteur du premier album du MICHAEL SCHENKER GROUP) est ici accompagné de Joey Tempest, que l'on sait très influencé par la musique d'UFO. Le chanteur d'EUROPE livre une prestation pleine de vie et gorgée de blues, qui mérite d'être saluée. Interprétée par Biff Byford, "This Kids", qui transpire l'Angleterre des classes laborieuses, semble avoir été écrite pour le chanteur de SAXON. A noter que le morceau bénéficie d'une prestation de grande classe au claviers signée Derek Sherinian. Joe Lynn Turner brille sur "Too Hot To Handle" et "Doctor Doctor" (qui souffre d'une démonstration totalement inutile du batteur Carmine Appice sur le break d'intro), Jeff Scott Soto allume une flamme sur "Lights Out", et Kai Hansen donne une saveur toute germanique au flamboyant morceau-fleuve "Rock Bottom", dont le groove à l'anglaise semble parfaitement adapté à la voix singulière et délicieuse du chanteur de GAMMA RAY. Tout ceci nous confirme néanmoins que Phil Mogg était bien le chanteur qu'il fallait pour UFO. Si techniquement ce dernier était, il n'hésite pas à le reconnaître, assez limité, il apportait aux morceaux une attitude, une performance, un charisme, autant d'éléments qui font souvent défaut à ces réinterprétations parfois savoureuses, souvent inutiles, quelquefois saumâtres.

Il est intéressant d'écouter My Years With UFO, par curiosité plus que par nostalgie. Et puis, comme tous les travaux de cet acabit, et malgré le prestige des intervenants qui lui ont donné vie, cet album trouvera très vite sa place sur une étagère pour ne plus la quitter, prenant la poussière et sombrant dans l'oubli. Car Michael SCHENKER l'a trop souvent répété : sa phase UFO désormais loin derrière, le guitariste a les yeux tournés vers l'avenir. Attendons donc de retrouver le guitariste créatif, espérons-le inspiré, sur une prochaine sortie. Car lorsqu'il fait le choix de la redite, lorsqu'il force le trait au lieu de nous proposer une musique sincère, le blond germain ne nous semble pas vraiment à sa place.