On distingue deux grandes périodes musicales chez Richard PINHAS. La première, des années 70 et 80, celles de HELDON, centrée sur un rock instrumental à synthétiseurs et séquenceurs, tantôt planant tantôt progressif. La seconde, à partir des années 90, celles avec MERZBOW, Maurice Dantec ou Tatsuya YOSHIDA, essentiellement consacrée aux improvisations de guitares transfigurées informatiquement. Cependant, la première période trouve des séquelles au-delà des années 90, avec Only Chaos Is Real (2001) marquant l’éphémère reboot de HELDON, ainsi que Cyborg Sally (1994), collaboration de Richard PINHAS avec John LIVENGOOD, claviériste ayant participé aux projets RED NOISE avec Patrick VIAN et SPACECRAFT avec Ivan Coaquette. Ainsi,[ i]Cyborg Sally confronte le space rock de HELDON aux possibilités du traitement informatique sur les guitares.

Cependant, Cyborg Sally ne renouvelle pas la folie électrique de l’âge d’or de HELDON. En contrepartie, une application particulière est apportée à l’atmosphère sonore. Cyborg Sally est le premier album où Richard PINHAS emploie la transformation électronique du son de la guitare électrique. Le triptyque "Hypérion", perpétuant la coutume de Richard PINHAS de structurer un album avec un thème principal, est fait d’accords de guitare cristalline épandues avec de la réverbération, ne donnant encore qu’un avant-goût de son travail sur De L’Un Et Du Multiple (1996).

D’autre part, Richard PINHAS et John LIVENGOOD combinent de différentes manières le rock électronique de HELDON avec un vocabulaire Indus plus moderne: "Cyborg Sally" et "Rock Machine" sont marqués par des guitares lourdes et des voix triturées à l’extrême, "Derita" et "Rock Machine" opèrent l’étroit mélange de guitares et de sampling. "Moira" revisite le thème de "Hypérion" en accéléré, où les guitares sont transformées jusqu’à être méconnaissables, sur une rythmique presque trip-hop. "Wag" pousse encore plus loin la fonte des guitares dans un mur de sons inextricables. "Nuke" revisite même "Interface" (1977) avec cette nouvelle mixture sonore, pour un résultat moins dévastateur que l’original mais qui ne manque pas de susciter l’intérêt, tout en évitant de se borner à du copier-coller. Un retour aux sources entériné par l’intervention occasionnelle de Didier Bâtard à la basse et de Patrick GAUTHIER au Mini-Moog. L’album se termine sur une apaisée "Ritournelle".

Cyborg Sally n’est donc pas le plus percutant album du répertoire de Richard PINHAS, mais demeure une charnière, une collaboration intéressante et une œuvre tout à fait honorable.

3 ½ sur 5