Ray Davies aime être à contre-courant. Après avoir un peu cédé aux tentations psychédéliques sur Face To Face en 1966 (soit un an avant tout le monde... Ce type aime être à contre-courant, vous dis-je !), le leader des KINKS ramène ses musiciens en terrain purement pop. Ici, pas d'influences indiennes, hawaïennes, de bruits bizarres ou quoi que ce soit : juste une suite sans faille de bijoux pop qu'on déguste les uns après les autres ! Et pourtant, ce fut un bide commercial à l'époque.

Musicalement, comme mentionné plus haut, on nage en pleine pop très raffinée sans être avant-gardiste ou expérimentale. Une sorte de 'retour à la simplicité' en fin de compte (même si Face To Face n'est pas vraiment aventureux, à placer entre Rubber Soul et Revolver des BEATLES). La pop se fait sautillante au possible sur "Tin Soldier Man" et sur "David Watts" et ses cultissimes 'fa fa fa!', plus triste sur la magnifique "Death of A Clown", envoûtante et vaporeuse sur "Lazy Old Sun", beaucoup plus rock sur "Love Me Till The Sun Shines", délibérément orientée rétro sur "End of The Season". L'album est extrêmement varié en fait !
De plus, point important à ne pas négliger à propos du son de cet album : la participation de Nicky Hopkins au piano. Grand ami de Ray Davies, ce dernier lui dédiant même une chanson sur l'album précédent ("Session Man"), le mythique pianiste anglais qui joue ici du clavecin magnifie les chansons des KINKS.

On accorde toujours un grand respect à Ray Davies, mais que serait le son des KINKS sans Dave Davies ? Le frère cadet, qui joue le même rôle que George Harrisson chez les BEATLES, à savoir une lead guitare efficace, simple mais pourtant recherchée, joue toujours la bonne note au bon moment.
De plus, Dave s'est énormément investi sur cet album par rapport au reste de la discographie des KINKS. Il signe ici 2 compositions, l'une folk et l'autre plus rock, et une autre en bonus. En effet, Dave voulait se lancer dans la chanson en solo. Le single "Death of A Clown" a d'ailleurs très bien marché, se hissant à la tête des charts, contrairement à l'album des KINKS.

Finalement, bien que l'album ne se soit pas vendu par camions entiers, contrairement aux singles qu'ils sortaient trois ans auparavant (hé oui ! Que de progrès en si peu de temps chez nos amis KINKS !), c'est tout de même leur deuxième chef-d'oeuvre, et ils n'ont pas encore tout dit, un peu comme les BEATLES qui vont se bonifier avec le temps. L'album contient sa pelletée de classiques et son petit chef-d'oeuvre, "Waterloo Sunset", sacrée plus belle chanson des sixties 30 ans plus tard par le Melody Maker (ne pas négliger non plus "Autumn Almanac" qui a été élue la deuxième plus belle chanson populaire au Royaume-Uni !). Ce faible succès commercial s'explique par les thèmes abordés par l'album : ils sont complètement hors-modes. Pas de trips au LSD ici, juste le 'so british afternoon tea', les querelles et repas familiaux, la vie populaire.

Les KINKS s'engagent alors dans la deuxième partie de leur carrière : Something Else ne fait que confirmer ce qui avait été amorcé avec les deux précédents. L'écriture de Ray Davies change et est devenue, en chroniquant les réalités sociales de son temps, intemporelle.