J'annonce d'emblée la couleur : les KINKS publient avec Muswell Hillbillies leur dernier chef-d'oeuvre. Ce qu'on appelle le 'Golden age' des KINKS se finit ici en beauté, certes pas comme on l'aurait espéré avec l'album ultime qui surpasserait les précédents (ce qui semble plutôt difficile vu leur qualité), mais avec un album sans faute, très énergique, regorgeant de bonnes compositions (ne contenant volontairement pas de hit pouvant faire un single), osant de nouveaux styles et toujours saupoudré de la touche d'humour de Ray Davies. Que demande le peuple ?

Les KINKS, grâce à Lola, leur album précédent, jouissent de nouveau d'un succès commercial. Comment va réagir Ray Davies, à la fois réjoui mais embêté par ce succès inattendu, lui qui se croyait au-dessus des modes ? En sortant un album en total contre-pied au hard-rock de Lola bien entendu. Ici, presque tout a une teinte country-folk americana, sauf bien entendu les parties de guitares de Dave Davies, toujours aussi intéressantes d'ailleurs. Ce dernier se met (enfin) à la slide guitare, et ça lui réussit plutôt bien comme en témoignent "Complicated Life", "Holloway Jail" et "Uncle Son". Le cocktail détonnant d'écriture so british de Davies et de musique américaine façon The Band accouche de pas mal de perles. Les KINKS teintent leurs chansons d'une ambiance music-hall, blues ou bien country-rock, le tout dans une bonne humeur communicative. A noter l'emploi (encore une fois!) d'une section de cuivres qui ajoutent encore du punch à l'ensemble.

Concernant le thème de l'album (car avec Ray & Dave Davies il y a toujours un thème par album), on tourne encore une fois autour de la description de la vie des gens du peuple, mais cette fois en attaquant plus directement la société (les 4 premiers titres sont assez corrosifs pour des chansons des KINKS, qui nous ont plus habitué à un humour second degré). L'album n'est pas un concept-album pour autant car il ne raconte pas d'histoire comme les précédents. C'est une sorte de retour aux sources assez sympathique, mais pourtant bref car, dès l'album suivant, les KINKS retournent au concept-album.

Ainsi, c'est avec une pointe de tristesse et de nostalgie (d'un temps que je n'ai même pas vécu) que j'écris cette chronique. Avec cet album, c'est la fin des KINKS tels qu'on les aime, la fin du Golden Age. J'aime comparer la carrière des KINKS à celle des BEATLES. Les deux groupes ont commencé comme uniquement des vendeurs de singles puis, progressivement, se sont attaqués à des albums de plus en plus ambitieux, jusqu'à déboucher sur des concept-albums (et opéra rock pour les KINKS), faisait ressurgir à chaque fois de nouvelles influences musicales (notamment l'importance du sitar indien).
Mais ce qui distingue les KINKS des BEATLES, c'est le total anonymat dans lequel sont sortis les albums plus ambitieux. A nous de faire pardonner cette injustice qui a poussé les KINKS à s'orienter vers un Hard FM indigeste par la suite, en faisant vivre pour l'éternité l'esprit qui a animé le Golden Age (1966-1971).