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The ENID - In The Region Of The Summer Stars (1976)
Par MARCO STIVELL le 12 Décembre 2010          Consultée 4437 fois

Lorsque paraît en 1976 le premier (et plus célèbre) album de THE ENID, son leader Robert John Godfrey n'en est pas à sa première expérience en termes discographiques, mais il affirme à partir de ce moment-là (plus qu'avant) une carrière des plus ingrates, malgré la richesse musicale qui en découlera. Voilà, en une phrase, j'ai à la fois résumé le passé de Godfrey, la critique qui va suivre ainsi que l'avenir de THE ENID. Ca mérite explication tout ça. Bien, aloooors *fait craquer ses doigts*. Installez-vous, je vous en prie, et écoutez l'histoire de celui que certains périodiques musicaux ont appelé Le Secret le mieux gardé du Royaume-Uni (merci Big Bang).

Le pianiste Robert John Godfrey, vers la fin des années 60, alors qu'il n'est encore qu'un jeune homme, rompt brutalement avec le conservatisme de l'enseignement rigoureux classique et démarre une collaboration avec le groupe BARCLAY JAMES HARVEST pour qui il écrit des partitions d'un orchestre qu'il dirige lui-même. D'un tempérament assez fort, il n'apprécie guère de ne pas être mentionné dans les crédits des albums (on le serait à moins...) et attaque BARCLAY JAMES HARVEST en justice, pour un procès qu'il gagne mais beaucoup plus tard. Juste après cela, il enregistre un album, The Fall of Hyperion, qu'il publie en 1972 chez Charisma, label ayant pendant longtemps été celui de VAN DER GRAAF GENERATOR et de GENESIS. Ce disque pose quelques fondations de ce qui formera l'école THE ENID musicalement parlant, mais est aussi un échec commercial. A cette même époque, Robert fait la connaissance des guitaristes Stephen Stewart et Francis Lickerish, avec qui il fonde le groupe THE ENID. Ils sont rejoints par le bassiste Glen Tollet et le batteur Robbie Dobson venant compléter la formation pour l'enregistrement du premier album, In the Region of the Summer Stars. L'histoire nous raconte que cet album devait s'appeler au départ Voyage of the Acolyte, mais que Tony Stratton-Smith, patron de Charisma, a, en plus de refuser le projet entier, refilé le nom à Steve HACKETT, alors guitariste de GENESIS. In the Region of the Summer Stars paraît sur un label indépendant d'EMI, Buk Records.

Le décor posé est, tenez-le vous pour dit, entièrement instrumental. THE ENID avait un chanteur, Peter Roberts, qui s'est suicidé un an avant la sortie de l'album, et que Robert John Godfrey a jugé irremplaçable. Du reste, une formation rock, avec deux guitaristes et deux claviéristes dont un multi-instrumentiste et surtout un maître d'oeuvre, un directeur artistique hors-pair, cela promet de belles et solides envolées musicales, permissives comme dirait l'ami Steve HACKETT. Le fait est que In the Region of the Summer Stars est le type même de l'oeuvre de rock progressif qui attirera des masses et en fera fuir beaucoup plus ! Les morceaux ne sont pas bien longs (tout juste "The Last Judgement" arrive-t-il à huit minutes), mais waouh, quelle masse musicale ! Quelle charge émotionnelle ! Tous ces rebondissements et fioritures dégoûtent plus que jamais les détracteurs du prog, tandis que ceux qui adorent et étaient jusque là passés à côté de THE ENID prennent un pied monstrueux.

Il faut dire que Robert John Godfrey, par sa forte personnalité, arrive, encore plus que les autres membres du groupe, à imposer sa virtuosité et sa capacité à faire naître les émotions. Et maintenant qu'il est dans un groupe dont il est responsable, il n'hésite pas à faire bien ressortir sa participation, allant jusqu'à se créditer à part pour sa fabuleuse prestation au piano sur "The Lovers". La musique de THE ENID est donc ainsi, pour le moins grandiloquente. Pas prétentieuse, ni pompière (quoique beaucoup diraient que si), juste grandiloquente, classieuse, magistrale. En réalité, si Robert John Godfrey s'est à une époque affranchi des codes de la rigueur classique, ce n'était que pour mieux en conserver les fondements et ce que la Grande Musique a produit de meilleur. Les influences de Godfrey se situerait plutôt du côté du romantisme, par sa tendance à jouer sur la présence d'un orchestre massif à la Richard WAGNER. Un orchestre ? Mais il n'est pas crédité ! C'est normal car il n'y en a pas. Pas un violon, pas une flûte, rien, nada. Tout vient des claviers. En effet, si sur son premier album solo, Godfrey ne pouvait avoir recours qu'au piano et au mellotron pour recréer une texture classisante, depuis les synthétiseurs apparus en grand nombre permettent de plus larges possibilités. On se doute bien que l'ami Robert en a profité, et c'est le cas, à fond même. Ceux qui connaissent bien THE ENID disent que de tous les claviéristes des groupes de rock progressif des années 70, c'est bien lui qui a, le mieux, réussi à retransmettre toute la force des orchestres grâce à ces instruments électroniques sans passer obligatoirement par le mellotron.

Ce qui nous donne une musique tout à fait conforme à ce que l'on pouvait attendre, avec d'une part la force orchestrale et de l'autre la force rock. Mais les deux se mélangent ici avec une aisance qui a de quoi abasourdir. D'abord, THE ENID joue beaucoup sur les nuances. On peut passer d'un seul coup d'un motif musical au piano à peine audible à un déferlement de charge électrique en fortissimo qui dévaste tout sur son passage. Dire que c'est la plupart du temps soudain serait mentir, en fait ces différents passages 's'amènent' les uns aux autres. Il y a bien des moments doux comme le début de "The Sun" ou encore "The Lovers", et d'autres plus 'violents', avec en tête le monstrueux "The Devil" (raaah ces guitares !), mais aussi la progression et le cataclysme du boléro "The Last Judgement". La rythmique Tollet/Dobson se révèle plus qu'efficace, tandis que les guitaristes Francis Lickerish et Stephen Stewart matraquent ou font pleurer délicieusement leurs guitares ("Death, the Reaper", le radieux "In the Region of the Summer Stars"), et que Robert John Godfrey distille le tout par le biais de claviers savants et généreux. Tout un ensemble que l'amateur de rock progressif symphonique ne peut qu'apprécier. Seuls KING CRIMSON et GENESIS (en ne tenant pas compte du premier essai pop que même ces derniers préfèrent oublier) sont arrivés à de telles qualité et maturité en ayant à peine commencé.

Le problème, c'est que In the Region of the Summer Stars est paru tard, beaucoup trop tard. Même si au début de 1976, même si l'on considère que l'âge d'or du prog va jusqu'à 1977, avant que les SEX PISTOLS, les CLASH et autres punks viennent tout balayer. Cela fait très tard par rapport à tous les autres grands groupes, et c'est sans doute ce qui, malgré la petite renommée internationale de ce premier opus (jusqu'au Japon mais rien de très enthousiasmant quand même), empêche la reconnaissance que méritait déjà amplement le groupe. Et dites-vous bien que, non seulement ça ne fait que commencer, mais aussi que In the Region of the Summer Stars constitue l'apogée de THE ENID en termes de ventes. Quel dommage !
Reste un album fabuleux, à consommer sans modération et qui laisse rêveur par rapport à la suite.

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   MARCO STIVELL

 
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- Robert John Godfrey (claviers, percussions)
- Francis Lickerish (guitares)
- Stephen Stewart (guitares)
- Glen Tollet (basse, claviers, tuba)
- Robbie Dobson (batterie, percussions)
- Dave Hancock (trompette)


1. The Fool... The Falling Tower
2. Death, The Reaper
3. The Lovers
4. The Devil
5. The Sun
6. The Last Judgement
7. In The Region Of The Summer Stars



             



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