Lorsque paraît Illusion en cette belle année 1971, la formation initiale de RENAISSANCE s'est désagrégée. Keith Relf et Jim McCarty sont partis les premiers, puis les autres ont suivi. Mais la formation a néanmoins pu enregistrer une bonne partie de ce nouvel album dans le temps où elle était unie. Ce sont les nouveaux arrivants qui ont complété le tout : les musiciens crédités ici en additionnels (sutout Michael Dunford qui deviendra membre permanent par la suite) ont terminé "Mr. Pine" et un certain Don Shin a enregistré la partie de piano électrique de "Past Orbits of Dust". C'est donc un groupe en changement qui sévit sur ce disque qui n'a, et ceci est très notable, été publié en Allemagne qu'en 1971.

On pourrait craindre qu'Illusion soit un simple rejeton constitué de chutes de studio du premier album, chose qui n'est que rarement favorable à l'unité d'un ensemble. Mais rassurez-vous, sans même connaître l'histoire du groupe, le disque donne l'impression d'une oeuvre normale, sans réel défaut apparent dans la manière dont les titres sont agencés. Seule la voix de Terry Crow (sur "Mr. Pine"), aussi belle que celle de Relf, permet de remarquer un changement.

Illusion peut aussi donner le sentiment d'être meilleur que son prédécesseur, peut-être pas dans son ensemble, mais il contient des moments de bravoure d'une plus grande valeur que ceux du premier. L'exemple qui me vient directement en tête est "Golden Thread". C'est tout simplement le plus beau morceau écrit en cette première période par RENAISSANCE. Il est introduit par le piano qui, progressivement secondé par les autres instruments, délivre une petite merveille mélodique orchestrale. La beauté du morceau est cependant loin de s'arrêter là, les passages avec choeurs étant eux aussi d'une grande force.

Il serait néanmoins injuste de le résumer à cette bombe, l'album contenant d'autres très bons moments. Avec les presque-singles potentiels "Love Goes on" et "Love is All", RENAISSANCE tente de poursuivre le rêve hippie enterré quelques mois plus tôt. Ces titres sont garnis de paroles positives et d'une musique qui ne l'est pas moins, bien dans un genre folk-rock. Les chanteurs du groupe forment de beaux choeurs, sur "Love is All" surtout. En dehors de cela, on peut noter le chant de Terry Crow sur "Mr. Pine" (élément de choix dans un morceau excellent bien qu'un peu décousu), ou encore la première partie de "Face of Yesterday" dont l'esprit bucolique charmeur n'est pas sans évoquer le premier album, ou même le Trespass des cousins GENESIS. Tout comme l'opus précédent, Illusion possède avec "Past Orbits of Dust" sa plage expérimentale. A la fois répétitive et plus appréciable que celle de "Bullet", la partie instrumentale reste ponctuée de moments chantés très intéressants. Il n'empêche que les presque quinze minutes du morceau auraient gagné à être mieux exploitées, ce n'est encore une fois pas cette facette-là de RENAISSANCE que l'on retient le plus.

Malgré le fait que j'avoue conserver une préférence pour Illusion dans cette première période (sans doute à cause de "Golden Thread"), il me paraît plus raisonnable de le mettre sur un pied d'égalité avec l'album précédent car, au niveau de l'inspiration, on joue dans la même catégorie.

Note réelle : 3,5/5