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Kate BUSH - 50 Words For Snow (2011)
Par MARCO STIVELL le 16 Décembre 2011          Consultée 6211 fois

2011 est l'année Kate BUSH. Enfin ça dépend pour qui. Certains ont vu en Director's Cut le retour en force d'une femme dont la jeunesse s'en va pas à pas mais dont l'inspiration et aussi le génie restent intacts, proposant un univers différent de ce qu'elle a pu faire avant. C'est ce dernier qui dérange les autres, les nostalgiques d'une Kate BUSH jeune et exubérante, qui ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, le mûrissement de l'artiste révélé depuis Aerial. C'est leur ressenti, on ne leur lance pas de pierres, mais eux le font assurément sur Kate, et peut-être sur moi aussi. Car je persiste et signe, Aerial était sublime, Director's Cut ne le dément pas, et 50 Words for Snow non plus.

On remarque que le mûrissement est progressif depuis le fameux Aerial. En fait, il prend le contrepied total de ce que l'on (communément ou en 'haut lieu') veut faire de la musique à notre époque, en étroite relation avec le modèle de notre société : celui d'une efficacité globale. A propos de 50 Words for Snow, les sceptiques diront dédaigneusement qu'il 'ne se passe rien tout du long'. Car le modèle d'efficacité veut qu'il y ait une batterie ou un gros beat électronique qui nous fasse remuer ou qui soit au centre de l'attention, une guitare électrique qui nous tient en haleine du début à la fin, ou je ne sais quoi encore qui serait (vite) imposé comme 'tellement plus vivant que ça'. Encore une fois, il faut parler de ressenti car avant même de savoir qui a raison ou qui a tort, toutes ces remarques sont placées sous le signe du 'certains n'aimeront/ne comprendront pas, alors que d'autres oui'. Ces derniers sont en minorité, sans doute puisque 50 Words for Snow, à l'instar de ses deux prédécesseurs, ne se vend pas par semi-remorques, en tout cas ils trouvent en ce disque ce qui les a toujours attirés : une musique non formatée/formalisée.

La première partie du disque est ce que (la toujours belle) Kate a proposé de plus doux dans sa carrière. Les trois premières chansons précisément, deux d'entre elles dépassant tranquillement les dix minutes, sont centrées autour d'un chant accompagné en premier lieu par le piano. D'autres instruments se greffent dans l'ensemble, mais ils sont volontairement mis en fond sonore, les vents et les cordes frileuses en particulier. Le piano, lui, joue des arpèges tournants autour d'enchaînements d'accords répétitifs, toujours mis en scène par le jeu et le chant, avec un caractère on-ne-peut-plus soft. La contrebasse de Danny Thompson et la batterie de Steve Gadd (des éléments-clés de Director's Cut) subissent eux aussi ce traitement, tout en participant à l'ambiance et en permettant à "Misty", la troisième chanson (qui parle d'un bonhomme de neige ayant fondu après une nuit de passion), de se diviser en deux crescendos de sept minutes. A l'inverse, elles sont absentes de "Snowflake" (un flocon qui espère que la neige réduira un monde bruyant au silence), où la dualité repose sur les voix distinctes (et troublantes) de Kate et de son fils Albert (le fameux "Bertie" d'Aerial), ce dernier ayant gardé malgré son âge à peu près la même tessiture qu'elle. On ne peut s'empêcher de penser à l'autre sublime duo réalisé par Tori AMOS et sa fille sur le magnifique Night of Hunters(fi] de la rouquine sorti un peu plus tôt. Quant à "Lake Tahoe" (chanson sur le fantôme d'une femme en robe victorienne qui appelle son chien... Snowflake !), si la seconde partie est typique de cette première moitié d'album, le début amène des voix grégoriennes (par le choriste Stefan Roberts) qui renvoient à "Hello Earth" (Hounds of Love) et aussi quelques dissonances inédites dans la musique de la belle. C'est cette première moitié qui déroutera le plus facilement, ou ravira ceux qui ne craignent pas un propos aussi suave qu'aéré (les respirations entre les phrases), où la batterie, au même titre que les autres instruments, appartient plus que jamais au mot 'ambiance' (on dira une réunion de 'soundscapes' jazzy). Notez qu'une guitare électrique tranchante apparait à la fin de "Misty", et que Kate met un caractère très différent dans son chant (plus hargneux), ce qui amorce une fin permettant d'amener une seconde partie plus directe.

En effet, en dépit de la longueur de certaines chansons ("50 Words for Snow", la plus longue, fait plus de huit minutes), le reste de l'album est plus 'direct', 'évident'. Ceci d'abord en raison de la présence du seul single potentiel (en version éditée) : "Wild Man". J'ai été un peu rebuté au départ par ce lick programmé-leitmotiv sur le couplet, mais il s'intègre pleinement à une chanson élégante, dont le refrain est renforcé par la présence d'Andy Fairweather-Low. C'est le grand moment des duos, car aussitôt après survient "Snowed in at Wheeler Street", en collaboration avec... Elton JOHN ! Hé oui, la belle ne fait sans doute pas partie des gens qui réduisent la star internationale à un vulgarisé (plutôt que vulgaire) marchand de soupe, et mieux que ça, figurez-vous qu'elle apporte au bonhomme une chanson susceptible de le réhabiliter plus que sa propre musique actuelle ! Du moins, dans certaines sphères. la chanson est elle aussi douce dans sa plus grande partie, où les voix du baryton et de la soprano se confondent, pour atteindre leur point culminant sur les crescendos où la batterie grandit, jusqu'aux ruptures "I Don't Want to Lose You". Que d'émotion ! "50 Words for Snow" renoue avec une certaine linéarité, cette fois avec une batterie très présente tout le long, et un climat d'alarme parfos ambiant (mais en fond). La voix masculine, elle aussi grave et profonde, de l'acteur Stephen Fry énumère les 50 mots (certains inventés par Kate) pour qualifier la neige, en référence au mythe inuit. "Among Angels", enfin, clôt l'ensemble par un propos solo, où Kate chante seule au piano sur un lit de nappes rêveuses. Bien que plus 'mouvementée', cette deuxième moitié est représentative d'un disque qui prend son temps et qu'il vaut mieux découvrir ainsi.

Je pense avoir assez parlé de l'oeuvre et détaillé la manière dont il faut l'aborder. Pour moi, l'évidence, c'est bien, l'exigence aussi, en musique du moins. Fans de "Kite", "Violin" et "Running Up That Hill", ce disque n'est pas pour vous, à moins que votre pensée soit (très) loin du fait d'imposer que c'est ce que Kate aurait dû encore faire (du "Kite", du "Violin" et du "Running Up That Hill").

Note réelle : 4,5/5

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   MARCO STIVELL

 
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- Kate Bush (chant, piano, claviers)
- Steve Gadd (batterie)
- Danny Thompson (contrebasse)
- Albert Bush (chant)
- Stefan Roberts (choeur)
- Andy Fairweather-low (chant)
- Stephen Fry (narration)


1. Snowflake
2. Lake Tahoe
3. Misty
4. Wild Man
5. Snowed In At Wheeler Street
6. 50 Words For Snow
7. Among Angels



             



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