La gratuité fait-elle le bonheur ? A l'heure des scandales Megaupload et du tout digital, du tout gratuit, du tout « tout de suite », la question se pose. Le paiement d'un objet fait-il sa valeur, ou celui-ci dispose-t-il d'une substance, d'une richesse intrinsèque totalement indépendante de son prix ? Tandis que Marketa IRGLOVA propose son premier album live gracieusement, via la plateforme Noisetrade*, on est en droit de penser que, c'est chose certaine, la beauté n'a décidément pas de prix.

Fraîchement embarquée dans une carrière solo, la co-star du film musical à succès Once et membre du groupe The Swell Season (en compagnie du non moins remarquable Glen Hansard) n'a pas tardé à embarquer sa pop-folk éthérée et onirique sur les routes. Portée par la douce brise de la réussite artistique, la jeune anglo-polonaise sème le bonheur à chacune de ses escales, en Europe ou en Amérique. De sa voix envoûtante, timide et aérienne, l'artiste a mis sur pied un spectacle aux tons feutrés, à l'image de sa musique. Ce Live From San Francisco (capté en novembre 2011) présente, pendant plus d'une heure et demi, l'univers classieux de Marketa IRGLOVA. Un concert sans faux-semblants et sans fioritures, se payant même le luxe de quelques erreurs de notes, sur « Wings of desire » et « Fantasy man », sans que la qualité de l'ensemble n'en soit affectée.

Les quatre premiers titres, issus du seul album solo en date de la chanteuse, posent les bases d'une ambiance intimiste. Marketa, au piano et à au chant, se voit accompagnée d'une discrète batterie jazzy, d'une guitare effacée et d'une choriste de grand talent, en la personne de la chanteuse perse Aida Shahghasemi, qui s'occupe également de rythmer l'ensemble à l'aide d'un bodhran fort à propos. Les deux chanteuses enfoncent les portes de l'esprit, exaltent les sentiments à l'aide de leurs harmonies vocales d'une immense beauté (« Let me fall in love », « I have loved you wrong »). Marketa déclame ses histoires d'âmes en peine et d'amour déchu avec une classe et une simplicité éclaboussante. Le public, quant à lui, se recueille à l'écoute de ces morceaux aux intonations folk prononcées, malgré la prédominance du piano sur la guitare. Les titres extraits d'Anar passent fort bien le test du live, tant et si bien que l'on en vient à faire la fine bouche et regretter l'absence de « Divine timing » et « Now you know », deux pépites qui manquent à l'appel.

Il faut dire que malgré son jeune âge, Marketa Irglova est tributaire d'une discographie fournie, et doit piocher minutieusement parmi ses morceaux solo, ceux parus sur les albums de The Swell Season ou issus de Once. A ce petit jeu, l'artiste réussit le compromis parfait : de Strict Joy (dernier album en date de The Swell Season), nous retrouvons avec bonheur « Fantasy man » et « I have loved you wrong », dont le final rallongé fait des merveilles. De Once, Marketa nous offre « If you want me », « The hill » et « Falling slowly », titre emblématique que la chanteuse interprète contrainte et forcée, sur la demande insistante de son public. Malgré les craintes, l'interprétation ne souffre pas trop de l'absence de Glen Hansard, avantageusement remplacé par la choriste talentueuse.

Peu avare en paroles et en anecdotes, Marketa IRGLOVA fait de son concert un moment de bonheur intense. A l'écoute d'une telle interprétation, le musicophile lambda ne peut que retrouver foi en une jeune génération d'artistes innovants et favorisant le ressenti et l'émotion à la prouesse technique. Et en plus, c'est gratuit...

* http://noisetrade.com/marketairglova