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RUSH - Signals (1982)
Par ARP2600 le 15 Octobre 2012          Consultée 6423 fois

Les premières notes ne pourraient être plus claires. Qui ne sera pas soit choqué, soit séduit par les nappes de synthétiseur qui ouvrent l'album sur «Subdivisions» ? Eh oui, la musique de Rush a manifestement muté. Déjà sur Moving Pictures, on avait pu constater à la fois une multiplication des sons électroniques et un assagissement du jeu du groupe, notamment du point de vue rythmique. Signals en est la suite logique. Le style musical n'est pas tellement différent, il est juste encore plus électronique et encore plus sage. D'ailleurs, ne disaient-ils pas «Signals get crossed» sur «Vital Signs», la conclusion de Moving Pictures ?

Ce qui frappera le plus, après les synthés donc, c'est la douceur de la voix de Geddy Lee, qui fait manifestement des efforts pour ne plus paraître aussi criard que par le passé. De manière générale, le groupe montre un professionnalisme de plus en plus étonnant. Au point que Signals, album aussi parfait dans la réalisation que Moving Pictures, apparaît facilement comme une mécanique trop bien huilée. Quand on lit quelques anecdotes au sujet de la conception des chansons, on constate avec quelle facilité et quelle décontraction ils ont pu accoucher de ce travail. Tout était devenu très naturel pour eux, sans doute un peu trop.

N'allons pas jusqu'à dire qu'ils ne se sont pas foulés, Signals est un album attachant comme les autres, et pourtant... sans suivre la mode ou chercher un succès commercial à tout prix, peut-être se sont-ils un peu reposés sur leurs lauriers. Peut-être ont-ils un peu voulu coller au goût du jour pour prolonger leur état de grâce, on ne peut les en blâmer. Ceci nous amène à donner quelques détails sur le style musical. Rush a toujours gardé son assise hard rock et il serait bien difficile d'assimiler ceci à de la new wave. Il faudrait peut-être rapprocher cette troisième époque de leur carrière de cette tendance arena rock des années 80 comprenant Asia, Yes, puis U2 et les Simple Minds. Un style avec des synthés et des guitares héroïques, un rythme souvent carré et une certaine rémanence du rock progressif. Ajoutons au style de Rush quelques éléments reggae (déjà présents sur les deux albums précédents) qui les rapprochent quelque peu de cet autre trio virtuose qu'était la Police.

La fameuse introduction au synthé de «Subdivisions» dément quelque peu mon accusation de rythme carré. Cette excellente chanson alterne en fait les mesures à sept et quatre temps de belle manière. Si tout l'album était de ce niveau, il n'y aurait aucune critique à formuler, c'est certain. Elle parle des classes sociales dans les villes, ce qui constitue d'ailleurs le fil conducteur de l'album, à défaut d'être un authentique concept. «The Analog Kid» est le rock le plus endiablé du lot, bien que les refrains soient plus suspendus. Elle parle d'un jeune garçon qui rêve avec passion de la vie au centre de la ville. La suite de l'album suit vaguement son parcours, ses émois et ses désillusions. «Chemistry», une des rares chansons dont les paroles ont été écrites collectivement, a été générée particulièrement facilement... c'est le parfait exemple de ce dont je parlais plus haut, elle est un peu trop simple pour du Rush, je n'ai jamais pu vraiment l'aimer.

«Digital Man», le pendant de «The Analog Kid», joue une carte un peu plus jazz/reggae. Un numéro réussi, notamment grâce à la structure plus complexe que sur les autres chansons. «The Weapon», deuxième partie de la série «Fear», parle de l'intimidation sur une rythmique très régulière. Bien qu'interprétée en rock, avec batterie, guitare et tout, elle a été au départ élaborée sur instruments électroniques par Geddy Lee et un comparse technicien. Pour plaisanter, Peart a affirmé que cette chanson pourrait amener les amateurs de disco à venir aux concerts de Rush.

Le tube du lot est «New world man», qui est pourtant une chanson bouche-trou, écrite un jour et enregistrée le lendemain. Elle ne m'a jamais beaucoup satisfait non plus. Par contre, «Losing it», chanson vaporeuse marquée par l'utilisation du violon électrique de leur ami Ben Mink, est de toute beauté. Le fait qu'elle présente des mesures à cinq temps ne gâte rien. L'album se conclut par «Countdown», miroir sonore de «Subdivisions», assez originale vu qu'elle est un compte-rendu du premier lancement de la navette spatiale Columbia, auquel avaient été conviés les membres du groupe. Elle est entraînante mais peu marquante.

Pour conclure, je voudrais parler de mon rapport à cet album. La première fois que je l'ai entendu, en grand amateur de synthés que je suis, j'ai été transporté. Signals est d'ailleurs sans doute l'album qui m'a vraiment fait aimer Rush. Et pourtant, c'est triste mais c'est également le seul dont je me sois lassé, parce que je l'ai trop écouté ou parce que j'ai fini par le trouver nettement inférieur à Grace under pressure, c'est difficile à dire. Chaque disque a son rôle, on vit parfois un coup de foudre de courte durée mais qui marque à vie, et c'est aussi important qu'une relation de longue durée. La bonne approche du Rush pourrait donc être de commencer par la transition que représentent Moving Pictures et Signals, pour ensuite partir vers le passé et/ou vers le futur du groupe selon ses préférences. Oui, vraiment, la porte d'entrée est sans doute bel et bien ici.

Note : 3,5/5

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- Geddy Lee (basse, synthétiseurs, chant)
- Alex Lifeson (guitares électriques et acoustiques, pédales tauru)
- Neil Peart (batterie et percussion)
- Ben Mink (violon électrique)


1. Subdivisions
2. The Analog Kid
3. Chemistry
4. Digital Man
5. The Weapon
6. New World Man
7. Losing It
8. Countdown



             



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