Ah, Pixies... Un groupe étrange, délirant, mystérieux, agaçant, unique. Ils sont tout simplement l'emblème du rock alternatif, aussi bien par l'attitude que par le style musical. En quatre ans, un EP et quatre albums, ils ont fait beaucoup pour développer ce genre et nombreux sont les musiciens ainsi que les critiques qui vénèrent au moins une partie de leur travail si particulier.

Le mini-album qui débute leur carrière est idéal pour avoir le temps de présenter un peu le groupe. Des américains moyens, ni stupides ni particulièrement favorisés. Charles Thompson (quatrième du nom) et Joey Santiago étaient étudiants à Boston, le premier issu d'un milieu très croyant, le second immigré et fan de punk. Ils ont sympathisé et mis en commun leurs connaissances musicales. Après que Thomson a fait un séjour traumatisant à Porto Rico pour ses études, ils ont décidé de tout plaquer et de faire un groupe.

Le recrutement de la bassiste s'est fait via une petite annonce demandant une femme aimant Peter, Paul and Mary (un groupe folk) et Hüsker Dü (un groupe punk hardcore). Un peu pointu, ce pourquoi une seule candidate, Kim Deal, pas bassiste du tout à la base, à répondu à l'annonce. Enfin, ils ont recruté un batteur dans leurs relations, David Lovering, qui leur a aussi fourni le garage pour les répétitions. C'était déjà bien parti pour être freestyle tout ça. Début 87, un producteur les a repérés et leur a fait faire une séance d'enregistrement pour pas cher. Cette démo a convaincu de justesse le fameux label indépendant 4AD de les signer et c'est ainsi qu'ils ont publié cet EP à la fin de l'année, constitué de huit chansons parmi la vingtaine qu'ils avaient enregistré. C'est à cette occasion que Thompson s'est choisi un surnom, comme ça un peu au hasard : Black Francis, tandis que Deal s'est cachée par dérision féministe derrière le nom de son mari. Quand au nom du groupe, Santiago aurait simplement trouvé ce nom amusant dans son dictionnaire.

Comment caractériser leur musique ? On n'avait jamais vraiment entendu cela avant et c'est sans doute ce qui continue d'impressionner tant de monde. Les influences sont si nombreuses qu'on peut difficilement vraiment les identifier. On cite du rock chrétien, du punk hardcore, de la surf music et il est évident que le mouvement post-punk dont est issu l'alternatif n'est pas bien loin non plus. Mais il y a quelque chose de plus chez eux, une folie dans les paroles et dans le chant, une décadence bien plus réussie que celle des punks. Black Francis était allumé, c'est le moins qu'on puisse dire... Mêlant voix de fausset et hurlements, utilisant de l'espagnol par-ci par-là (en rapport avec son voyage à Porto Rico) et une multitude de références aussi bien chrétiennes que surréalistes, sans oublier les blessures, l'inceste... Son style est vraiment inclassable. Sans être spécialement doués sur le papier, les musiciens donnent une énergie terrible au mélange grâce à la guitare tranchante de Santiago, la basse ronflante de Deal et les percussions éclatantes de Lovering.

Parlons maintenant du contenu de cet EP, déjà très représentatif de leur travail même s'ils allaient nettement progresser par la suite. « Caribou » est déjà une histoire improbable de réincarnation sur une musique lente mais d'une puissance malsaine. On y rencontre la première ébauche de ce grand principe de l'alternatif qui consiste à alterner des couplets contenus et des refrains explosifs. « Vamos » et « Isla de Encanta » sont des exemples du problème hispano-américain de Black Francis. La seconde est d'une énergie rare, digne du punk musclé mais en beaucoup plus amusant grâce à ce sens du délire. La suite est un peu plus inégale, mais on pourra apprécier le rythme régulier de « Ed is Dead », la mélodie de « The Holiday Song » déjà si 90's et l'ambiance positive de « Levitate Me », qui annonce le style de l'album suivant, l'incroyable Surfer Rosa.

Un début à la fois ingrat et très prometteur. Tout ceci a pu paraître assez stupide à sa parution et pourtant, leur musique a un sens, beaucoup de gens l'ont compris par la suite. Come on Pilgrim n'est sans doute pas la meilleure manière d'aborder la carrière de Pixies mais vu qu'il est depuis longtemps groupé sur le même CD que Surfer Rosa, on a facilement l'occasion d'y jeter une oreille de toute façon. Il faut juste être conscient qu'il s'agit de deux travaux bien distincts.