Le statut culte d'un groupe ne le préserve en rien d'être frappé par la folie des compilations. Pire, c'est tout l'inverse : lorsque ledit groupe se fait couvrir de gloire et acclamer par le public, tout est alors bon pour vendre tout et n'importe quoi estampillé [groupe], et notamment les compiles. Si en plus il y a perte d'un membre emblématique (Led Zeppelin, Queen) ou dissolution alors que tous les voyants étaient au vert (les Beatles), le constat s'empire. King Crimson n'a pas échappé à la règle, et c'est ainsi qu'à côté des indispensables albums studio et de la montagne de live, pour le coup loin d'être inutiles, s'amoncellent une bonne dizaine d'albums assez inutiles. Rien d'anormal, donc.

Et puis il y a Network, la première compilation concernant Robert FRIPP. Pour être plus précis, c'est un EP de 20 petites minutes rassemblant quelques morceaux tirés du répertoire solo du guitariste le plus touche-à-tout de la musique. Dès lors, une aberration se pose d'emblée : mais comment ont-ils pu sortir une compilation des oeuvres solo de FRIPP ? Non pas à cause des éternelles remarques que l'on sort à propos des compiles, mais tout simplement qu'au regard de sa discographie, cela paraît aussi impertinent qu'inutile. En effet, si on exclut les travaux avec Andy Summers, les albums réalisés avec The League of Gentleman, et bien sûr King Crimson, il reste trois albums. C'est déjà peu. Mais en plus, seul le premier – à savoir l'excellent Exposure – possède un potentiel tubesque. Les deux autres albums ne sont pas nécessairement confidentiels ou trop expérimentaux, mais ne sont pas aptes à être promus au plus grand nombre.

D'un autre côté, l'industrie musicale garde ses mystères et des mécanismes que seul un membre intérieur peut comprendre. C'est ainsi qu'en 1985 sort donc Network. Au vu de sa longueur, il est tout naturel de s'attendre à pas grand-chose. De ce point de vue, on ne peut pas du tout être déçu : deux chansons issues d'Exposure plus un interlude sur la première face, et un extrait de Under Heavy Manners sur la seconde. Et "God Save the King", alors ? N'est-ce pas là un inédit qui pourrait valoir le coup ? Oui mais non : il s'agit en fait d'un version raccourcie de "The Zero of the Signified", agrémentée d'une guitare solo. Seul un fan peut y voir un certain intérêt, et encore, ce dernier est minime. Quant à "Under Heavy Manners", il diffère un peu de l'original, avec une improvisation vocale de David Byrne différente, mais là encore, cela ne revêt qu'un intérêt horriblement faible. Les chansons d'Exposure, en ce qui les concerne, ont été choisies telles quelles, sans modification ni présentation. Pouf, "North Star", "Here Comes the Flood", et un "Water Music" pour relier les deux.

J'ose espérer qu'au moment de sa sortie, Network ne s'est pas vendu trop cher. Bien sûr, chacun des morceaux qu'il contient est au mieux génial, au pire bon, mais l'assemblage n'a ni ligne directrice claire, ni intérêt relatif. Des fans, des amoureux transis des travaux de Robert FRIPP, ainsi que des complétistes acharnés sauteront bien dessus, mais sincèrement, ne sont-ils pas seuls dans cette entreprise ?