Christian Burchard et Edgar Hofmann. Retenez bien ces noms. Non pas parce qu'ils sont compliqués à prononcer et/ou écrire, mais bien parce qu'il s'agit des seuls fils conducteurs d'EMBRYO dans les premières années. Le premier est le membre fondateur et inamovible leader, depuis plus de quatre décennies. Le second est capable de se déchaîner comme un damné sur un saxophone comme sur un violon. Le reste du groupe n'est constitué que de musiciens intermittents qui ne jouent guère que sur un ou deux albums, pas plus. Il faut au moins ça pour empêcher EMBRYO de stagner et de cesser de chercher des pistes musicales partout où il peut, chose qui passe comme un grave défaut chez d'autres formations.

Embryo's Rache, sorti en 1971, montre le groupe bien lancé dans sa perpétuelle progression. Opal était du jazz-rock psyché teinté de krautrock ? Rache sera un album de rock progressif/krautrock complètement barré et furieux. La pochette pourrait d'ailleurs montrer un Edgar Hofmann qui pète un câble tellement les sessions de l'album étaient déjantées, ou du moins devaient l'être. Dès "Tausenfußler", les hostilités sont lancées. Après un début semblant tendre vers la world, EMBRYO charge avec la flûte de Hansi Fischer en leader. La partie à l'orgue est moins convaincante, avec un côté démonstration plus prononcé, voire trop.

Cependant, il ne s'agit que du début de Rache. Le reste de l'album est encore plus barré et inventif : les musiciens se déchaînent, se montrent incroyablement expansifs et bruyants, le tout en sortant de géniales compositions. "Time" sort d'implacables moments d'anthologie en l'espace de 9 minutes, et ce n'est pas le chant de Franz Böntgen qui fera dire le contraire. "Revenge", quant à lui, n'est ni plus ni moins que le meilleur morceau de l'album éponyme. La fusion des genres brille de mille feux, et la sensation de plénitude apparaît en filigrane (sans compter le retour du saxophone). Un didgeridoo (ou ce qui s'en rapproche) se fait même entendre vers la fin, mais arrive hélas trop tard pour être réellement exploité. Enfin, ne pas lire en "Spain Yes, Franco Finished" un engagement politique dénote une grosse naïveté. Pour que le message passe encore mieux, une voix se charge de dire Revolution is the only way. Musicalement, là encore rien de négatif n'est à noter, on ne peut que constater un morceau aussi génial que les précédents. La construction de "Spain Yes, Franco Finished" ne se présente pas en modèle, mais la manière dont EMBRYO commence le morceau, comme voulant illustrer un lever de soleil, est juste magnifique. La fin de Rache est par contre plus décevante : si "Try to Be" est un joli petit interlude, "Change" laisse mitigé, la non-finalisation du morceau est palpable.

En général, quand un groupe commence, il a tendance à se chercher, à sortir des albums bien mais qui gagneraient à être améliorés. Ce n'est pas le cas d'EMBRYO. Le groupe a très bien démarré avec Opal et n'a pas baissé en qualité dès l'album suivant, bien au contraire. Le côté world music commence également à s'imposer, lentement mais sûrement.

Embryo's Rache, est un album qui mérite un investissement fort.